dimanche 6 décembre 2015

Tiens, ça sent la merde.

Régionales. Le FN à 30%?


Bon ben en attendant le retour de la peine de mort, l'interdiction de l'avortement et celle d'être noir, juif ou gouine, je vais vomir un coup moi.


dimanche 29 novembre 2015

Triste.

Deux semaines après le massacre, on peut peut-être arrêter d'avoir peur.

On peut arrêter d'avoir peur en passant à l'action; en bombardant Raqqa, en retournant à des concerts, en buvant des coups en terrasse et en y constatant que personne ne nous tire dessus. En laissant sortir les enfants et en voyant qu'ils rentrent vivants. On peut arrêter d'avoir peur en faisant l'amour et en réalisant que c'est toujours aussi bon. En respirant des têtes de bébé. En refaisant le monde avec les potes, en agitant des drapeaux aux fenêtres, en écoutant des chansons d'amour et d'espoir. En allant voir des présidents du monde entier pour se mettre d'accord avec eux que le terrorisme c'est mal et qu'il passera pas par nous (soupir).

On peut arrêter d'avoir peur en pensant enfin à autre chose, en reprenant le cours de sa vie quand on a la chance d'en avoir encore une, et de n'avoir perdu personne. On peut arrêter d'avoir peur en voyant les dispositifs sécuritaires, les portiques et les fouilles se multiplier comme des petits pains. On peut arrêter d'avoir peur en organisant ses prochaines vacances avec ceux qu'on aime puisqu'ils sont là et qu'ils veulent bien nous supporter encore un peu. En engueulant ces connards de voisins qui écoutent la musique trop fort, en recommençant à faire la gueule dans le métro (vous avez remarqué comme à Paris, ces derniers jours, les gens levaient--un peu--le nez de leurs portables pour regarder autour d'eux?)

On peut arrêter d'avoir peur en cessant de se dire, dès qu'on croise une personne blessée dans la rue, que mon Dieu, peut-être qu'il y était. En mangeant des bonnes choses, en faisant des courses de Noël. en se disant qu'on est tellement nombreux à trouver ce massacre indigne de notre humanité, que forcément, on va gagner ce combat-là.

On peut arrêter d'avoir peur en se disant que la peur n'évite pas le danger, et que peur ou pas, ça va se reproduire, ici ou un peu plus loin, pareil ou un peu différemment, mais ça recommencera, et que se scléroser en attendant la balle, c'est juste renoncer à ce qu'il nous reste avant qu'elle ne nous touche.

On peut arrêter d'avoir peur, je crois.

Mais arrêter d'être triste, quand est-ce qu'on va y arriver...


mardi 17 novembre 2015

Correspondance

Ma fille,

Je t’écris à l’ancienne une lettre comme «à mon époque», comme tu dis, au lendemain de tes deuxièmes attentats.

Non, pas vraiment les deuxièmes, puisque le 11 Septembre 2001 tu avais trois semaines et que tu me tétais en silence pendant que je dégoulinais de larmes et d’hormones post-partum devant ma télévision.

Tu grandis dans un siècle façonné par ta génération, celle de «millenials» qui n’ont jamais connu la vie sans Internet, sans téléphone portable, sans possibilité de savoir tout ce qui se passe, partout, tout le temps. Dans un monde où on ne s’écrit plus de lettres et où la popularité se mesure en fonction du nombre de pouces levés sur un écran.

Tu as 14 ans et  je sais déjà que tes 14 prochaines années seront des années de terreur pour toi et pour tes potes.

Je t’ai vue vendredi soir et tout le wek-end échanger des SMS effarés, angoissés, parfois ridicules avec tes copains. Les «chaînes de SMS» t’enjoignant de t’habiller en noir, d’allumer une bougie, de mettre ton initiale au bout d’une chaîne de messages sans queue ni tête, de venir à un rassemblement se sont enchaînés. Il y en a même eu un annonçant que la gendarmerie savait de source sûre qu’un nouvel attentat se préparait ce week-end. J’ai vu la panique dans tes yeux.

Tu viens de passer de l’autre côté d’une époque. Ce n’est pas la Guerre mondiale telle que tu l’étudies en ce moment au collège, avec une déclaration, un déroulement, une fin. C’est une guérilla. Diffuse, vague, permanente, incompréhensible, même pour nous, les vieux. Pendant les 14 prochaines années de ta vie, je ne vais plus respirer dès que tu sortiras. On se bouffera les ongles jusqu’aux coudes ton père et moi chaque fois que tu iras à un concert, à une soirée. Tu rentreras toujours trop tard et on t’imaginera toujours ensanglantée sur un trottoir, dans une salle de concert ou à une terrasse de café.

Sache que ceux qui nous ont déclaré la guerre vont tuer certains de tes copains et de tes copines. Que ma génération, qui a pleuré dans des cimetières où on enterrait des potes vaincus par le sida, cède la place à la tienne, qui enterrera des potes vaincus par les fous d’un Dieu qui n’existe pas. Un Dieu qu’ils qualifient de miséricordieux et qui se réjouirait de la souffrance de ses créatures. Pour cette maladie-là on n’est pas près de trouver le vaccin.

Ma fille, au cours des 14 prochaines années, tu vas entendre des discours d’appel au meurtre. D’appel au retour de la guillotine, au nom de la vengeance et de l’abominable douleur des familles ravagées. Il faudra résister à ça aussi.

Sache que certains de tes copains, peut-être, seront du côté de la gâchette.

Je ne t’envie pas.

Ma fille, résiste. Sors, va danser, marche dans la rue.  Ma soif de liberté, comme celle de beaucoup d’autres, me pousse à te crier envoie-les chier, montre-leur que tu n’as pas peur. Ne te laisse pas vaincre par les discours sécurisants, et vis.

Tu n’as que 14 ans, et tu as encore des réserves d’optimisme que je n’ai plus. J’espère que tu te battras à ta façon joyeuse et insolente, avec la révolte de tes convictions et de ton adolescence qui doit croire à un plus bel avenir. Moi je vais me battre avec la conviction que ce n’est pas gagné. Mais je me battrai quand même. Et je laisserai notre porte ouverte pour que tu ailles rejoindre tes potes et danser, faire la fête et vivre ta jeunesse, même si mes tripes me hurlent de la barricader et de surtout, surtout, de ne pas te laisser sortir.

Ils ne nous réduiront ni à la terreur, ni au silence, ni à la vie monacale.

Mais pour toi, ma fille, qu’est-ce que j’ai la trouille.


vendredi 30 octobre 2015

Vacance

Pour la première fois depuis un an et demi, j'ai pris des congés (non payés. Je vis avant 1936). Je suis allée dans la Méditerranée, là où il fait encore beau et chaud, où les volcans le disputent aux cactus, et les tomates bien mûres à la bresaola qui fait frémir les papilles. Et je vous parle même pas des cannoli, ce serait péché.

J'ai été raillée par la nature qui a refusé de faire naviguer les bateaux que je voulais prendre, et qui m'a réduite à ma juste taille en me montrant qu'elle pouvait pisser plus loin que moi des gerbes de lave et des pluies de cendre. C'était beau.

Et un matin je suis allée me baigner dans la mer. Fin octobre, le luxe absolu. Elle était presque chaude, et parfaitement transparente. Je n'ai mis que dix minutes à rentrer dedans (je suis très mal thermorégulée. Tout est froid dans la vie, je trouve. Mais là j'ai fait un effort, demain je rentrais à Paris et c'est pas dans la Seine que je vais faire des brasses. Pis surtout j'allais pouvoir frimer en rentrant sur le mode hier à cette heure-ci je barbotais dans la mer nananère).

Donc au bout de dix minutes de trépignements et petits cris mouillés, je suis partie dans de grandes brasses ravies, dans une eau tellement cristalline que j'aurais pu compter les cailloux du fond si j'étais pas aussi miro (je me suis fait opérer des yeux au laser et je suis redevenue miro illico, car apparemment Dieu m'en veut énormément. Faudra qu'il m'explique ce que je lui ai fait, on peut éventuellement s'arranger, je suis prête à m'excuser même, mais s'il pouvait arrêter de rigoler avec ma santé et pourquoi pas cesser de jouer de la contrebasse avec mon nerf sciatique? Mais je m'égare).

Et là, devant moi, flottant à la surface j'ai vu un truc. Un gros bidon blanc, inerte, qui flottait. Qui m'a heurtée. J'ai pas crié tout de suite, même si j'étais vaguement dégoutée. j'ai regardé de plus près. C'était pas un bidon. C'était quelqu'un. De parfaitement mort et noyé, sur le ventre, et gonflé, et vêtu d'une chemise blanche trempée, évidemment. Là j'ai hurlé. Et j'ai voulu faire demi-tour. Et j'en ai vu d'autres. Plein. Des hommes, des femmes et des enfants qui flottaient TOUS sur le ventre, tous noyés morts. J'ai bu beaucoup d'eau au goût de mort en hurlant et en repartant à la nage vers là où j'avais pied. Combien ils étaient? Huit, dix, douze peut-être. Morts morts morts morts.

Evidemment je me suis réveillée avant d'atteindre le rivage.

J'ai ouvert les yeux dans ma chambre sicilienne, dans le lit à côté de mes enfants, vivants, vivants, vivants.

Et on est allés se baigner dans la Méditerranée. Tellement transparente qu'on peut voir les cailloux au fond de l'eau, si on est pas trop miro.





mardi 6 octobre 2015

Tout a une fin, forcément.

Moi aussi, mais pas ce soir apparemment, puisque malgré une gorge en berne, un urticaire géant et un passage sur scène en bas résilles je suis encore debout et pas mal ingambe.
(Mais si, vous connaissez ce mot).

Il est donc temps de conclure, comme dirait Jean-Claude (j'ai de hautes références culturelles. Mais vous aussi alors ça va).

Le bouffon Rigoletto vient d'apprendre que sa fille s'était fait déshonorer par son patron. C'est agaçant. Subséquemment, il est agacé. Il décide, devinez quoi, de se venger. Gilda lui dit non quand même, abuse pas, je l'aime moi ce monsieur, il m'a vue nue et tout. Mais vous connaissez les pères, soit ils s'en foutent, soit ils sont surprotecteurs. Or, Rigoletto est en colère et ça va chier des bulles carrées.

Tout à coup et très soudainement, on retrouve Gilda et son bossu de papa près d'une auberge. Ils regardent par la fenêtre et il se trouve, hasard heureux, que c'est l'auberge de l'assassin (appelons-le Sparafucile puisqu'il s'appelle comme ça, et je vous invite à le prononcer sparafoutchilé, ça fait plus authentique). Et qui a réservé une chambre ce soir-là dans cette auberge??? Leduc!!!! Qui se met à chanter sa célèbre chanson "La donna e mobile", qui ne veut donc pas dire "tu me donnes ton portable" mais "les filles c'est rien que des pétasses interchangeables".

Là:



On se dit que Gilda, horrifiée, va rentrer à la maison en chouignant qu'on ne l'y reprendra plus mais pas du touuuuuuut. Elle reste. Elle en veut encore. Evidemment, elle va en avoir. Car la belle Maddalena, la soeur de l'assassin, qui a servi d'appât pour attirer Leduc à l'auberge, fait tout un tas de minauderies au vilain libertin et se le met dans la poche (ou plutôt dans le décolleté). Et Gilda la crétine, elle rentre en trombe et colle une branlée au gars?
Non, elle chouine à la fenêtre.

Rigoletto dit à Gilda maintenant tu te sapes en mec pour pas te faire harceler dans le métro, et tu te tires, loin. Puis il donne de la thune à Sparafucile: mon gars, tu trucides le salaud qui a poinçonné ma fille et je te file le reste à la livraison du macchabée. Deal? Deal.

Sparafucile retourne dans l'auberge, et là sa frangine qui est au parfum lui dit que finalement non, c'est pas une bonne idée, de fumer le gars. Pourquoi? Ben parce qu'elle L'AIME pardi!
(Je pense que Verdi utilisait beaucoup de drogue ou un truc comme ça. C'est pas naturel de concevoir un type pareil et de se dire qu'on va y croire.)
(Après c'est vrai qu'il y a certaines personnes, à peine je les vois j'ai envie de sauter dessus, mais c'est bien rare que ça fasse le même effet à tout le monde. Même Patrick Bruel a ses détracteurs. Bref).

Donc Maddalena dit au frangin écoute, t'as qu'à tuer le bouffon! Après tout il t'a déjà filé pas mal de blé. Et là c'est assez cocasse, parce que Spara pique une colère: Quoi!!!! Non mais tu me prends pour un VOLEUR ou quoi!!!! Je suis un assassin honnête moi, morue. J'ai été payé pour tuer, je tuerai.

Mais comme il aime bien sa petite soeur, il dit bon, ok, on tue quelqu'un d'autre, il faut qu'un voyageur se pointe avant minuit et on se l'envoie, on le colle dans le sac et on refile le tout au bossu, ni vu ni connu j't'embrouille (c'est pas beau l'amour fraternel?)

Gilda a tout entendu. Et comme elle a un ptit côté Jeanne d'Arc, genre laissez laissez j'y vais, elle se précipite dans l'auberge et vlan, elle reçoit un bon coup de poignard (ça fait beaucoup symboliquement pour une seule vierge en si peu de temps).


Et là tout le sadisme de l'opéra (hou que c'est bon). Rigoletto vient récupérer le cadavre dans un sac, le pose à côté de la flotte où il va le jeter, il fait sa petite danse de la joie, genre haha on fait moins le malin, tout mort dans un sac, hein,c 'est qui qui rigole maintenant???? C'est Rigoletto!

Et dans la nuit une voix s'élève...."La donna e mobile...."

Horreur. Le bouffon réalise que c'est quelqu'un d'autre, là, à ses pieds. Il regarde. Gilda!

Il a payé pour faire assassiner sa propre fille (déjà qu'il avait participé à son enlèvement au 2e acte, souvenez-vous). Comme elle est pas tout à fait morte, elle chantonne pardon papa, désolée, je pouvais pas faire autrement, je vais aller aider maman à faire les antipasti au ciel, on t'attend et au fait le bon numéro pour le loto ce soir c'est argh.

Et là Rigoletto n'a plus qu'à hurler à la mort, seul, dans la nuit. Putain de malédiction.



Sympa hein?

On notera en analyse de texte que les femmes sont soit des catins, soit des vierges (comme c'est original), que le méchant gagne à la fin (un peu de cynisme ne nuit pas) et que quand on naissait handicapé "à l'époque" (expression utilisée par mes enfants pour situer mon enfance, c'est-à-dire quelque part entre la découverte de l'Amérique et la mort d'Émile Zola) eh ben on en chiait du début à la fin sans la moindre exception.

Et au passage que Gilda est une cruche.

En revanche son rôle, musicalement, est une pure merveille, et si vous n'y étiez pas hier soir pour écouter Manon le chanter alors vous êtes passés à côté d'un orgasme auditif et tripal. Je vous plains...




(C'est absolument pas aussi réussi que quand c'est chanté par Manon Bautian et Frédéric Cornille mais ça donne une bonne idée de l'ambiance, et puis c'est dommage de passer à côté d'une jolie petite agonie musicale père-fille quand on peut s'en offrir une).


dimanche 4 octobre 2015

Riri, Gigi, Leduc et les autres

Troisième épisode des palpitantes aventures de Oui-Oui au pays des queutards Rigoletto et sa fille Gilda.

Alors là, on est donc avec Rigoletto qui a, dans l'ordre:
- fait le con chez le duc
- récolté une malédiction qui a fâché tous les courtisans qui ont un peu pris ça pour eux (courtisans qui, soit dit en passant, croient que la jolie blonde est sa maîtresse alors que pas du tout)
-rencontré un tueur à gages venu de nulle part qui lui a filé ses coordonnées au cas où
- dégoisé sur son job qu'est pas facile-facile, parce que bosser pour un bellâtre friqué et fou du cul quand on est moche et bossu c'est pas une sinécure
- papoté avec sa fille pubère de la mama qui fait des pastas au ciel et des randonnées échevelées de la gamine (maison-église-maison)
- recommandé à la bonne (Giovanna) de bien surveiller la môme parce qu'on ne sait jamais, les hormones ça vous les rend toutes fofolles, les ados.

C'est bon, là, on a perdu personne?

Alors maintenant, Rigoletto part vaquer à ses occupations de bouffon (chez Verdi c'est pas une insulte, c'est un métier), et Gilda en profite pour dire à Giovanna que hum, ya quand même un ptit truc qui la travaille: le beau gosse qui la suit quand elle va à l'église. Elle l'aime.
(Normal. Moi l'autre jour ya un gars qui m'a suivie jusqu'au Franprix, ben j'attend plus qu'une chose c'est qu'il me demande en mariage et qu'il me colle deux gosses. Non, on s'est pas parlé, pourquoi faire? Il avait de belles mains. A mon avis, pour cimenter un couple sur la durée, ça et le fait de connaître le chemin du Franprix, c'est plus que suffisant).

Et là justement BIM! Qui était derrière un arbre en train d'épier Rigoletto et sa fille????????

Le beau jeune homme!

Qui n'est autre que Leduc, notre priapique de service, qui se jette éploré aux pieds de la belle (après avoir chassé la bonne) on lui confessant son amoûûûûr avec un grand Q.

(Bon là on a l'impression qu'on atteint le sommet du cucul. Et ben c'est là qu'il est fort Verdi: c'est beau. C'est plus que beau.)

La blondinette fait sa farouche au moins douze secondes avant de craquer et de lui faire entrevoir un bon ptit paquet de délices à venir mais oh! vite! Déguerpissez! J'entends qu'on vient!

Le gars se tire tout content en se disant qu'il a déjà fait la moitié du boulot et qu'elle est à point la donzelle. Et avant de partir il lui donne un faux nom à la gomme (Gualtier Maldè, genre le nom qui n'existe carrément pas, pourquoi pas Patapon Riboudu, mais bon qui suis-je pour juger hein) et il lui dit qu'il est étudiant. Et pauvre. Ben voyons.

(Enfin quitte à s'inventer un nom sexy il aurait pu faire un effort). (Bref).

Alors là, ça se complique un tout petit peu (mais pas trop, partez pas).

Les courtisans ont décidé de faire chier Rigoletto, qui les leur brise. Donc dans la série blague de régiment, ils décident d'enlever sa meuf (qui est sa fille en réalité, mais ils ne le savent pas. Parenthèse: c'est bien les nobles, ça. Ils passent leur journée ensemble, ils bossent, bouffent, jouent, baisent tous ensemble, et yen a pas eu UN pour demander au gars "au fait t'es marié, t'as des gosses, un chien, c'est quoi la marque de ta bagnole?" Non, pas la moindre curiosité pour la vie des autres. Et après on s'étonne qu'il y ait eu la révolution. Fin de la parenthèse).

Et c'est là que c'est tordu: ils croisent Rigoletto et lui disent qu'ils vont enlever la maîtresse (enfin une des maîtresses) de Leduc, et que ça va être drôlement rigolo (fatalement....) Et ils lui font TENIR L'ÉCHELLE! Ils lui bandent les yeux (c'est plus marrant) et ils enlèvent sa fille sous son nez...

Les courtisans se tirent en courant, et là le bouffon comprend qu'il y a un loup; il se rue chez lui: misère!!! La gamine a disparu!!!! Là il se dit que merde, la malédiction c'était pas du boudin alors, il a vraiment chopé la scoumoune....

On passe au deuxième acte (oui c'est long un opéra. Faites un effort).

On est chez Leduc qui l'a sacrément mauvaise. Il a pas trouvé Gilda et il fulmine: on lui a piqué sa meuf. Ya rien de pire pour exciter un gars que de le priver de son jouet si près du but. Il y était presque!!!!

A ce moment-là, les courtisans lèche-cul débarquent et fous de joie, racontent en jubilant le bon tour qu'ils ont joué à Rigoletto: ils lui ont piqué sa nénette, sous son nez, le con!
Mais où elle est ???demande Leduc qui reprend soudain des couleurs et qui sent son flux sanguin prendre une direction que je qualifierais de médiane.
Ben là, on l'a rangée dans ton pieu, en gros, répondent les vipères.

Inutile de vous dire que le duc, en moins de deux secondes, il est plus là. Une pensée émue pour la vierge effarouchée dans la chambre d'à côté qui va probablement connaître l'amour charnel et la fissure vaginale le même jour (ya une ptite mycose avec, je vous la mets?) vu comment le gars il en peut plus.

Comme on peut pas rester deux secondes sans qu'il se passe quelque chose, là Rigoletto débarque. Et c'est plus le même homme.  Autant les courtisans rigolent, autant lui se désole. Il n'est plus que l'ombre de lui-même et ne rigole plus du tout. Il s'écroule par terre comme une merde, pleure qu'il a perdu ce qu'il aimait le plus au monde, sa seule raison de vivre, qu'il veut qu'on la lui rende. C'est bon, Rigoletto, arrête de nous les briser, une de perdue dix de retrouvées rétorquent les affreux. Mais rendez-moi ma fille! hurle le père désespéré. Là il jette un sacré froid. Ah merde, c'était sa fille, on a peut-être fait une connerie quand même.

Et là Rigoletto parvient à faire un tour de force, en incarnant à la fois par son chant toute l'ignominie d'un homme qui se traîne plus bas que terre et abdique toute sa dignité, toute, en implorant chaque courtisan: pardon, pitié, pitié, rendez-la moi, rendez-moi mon enfant, et en touchant de son timbre le fond du coeur de toutes les oreilles qui l'entendent dans une transcendance de l'amour paternel (mais je m'égare).

Et les courtisans s'en foutent, zont pas de coeur ces gens-là. Ils l'ignorent superbement. Crève charogne, t'avais qu'à pas nous éclabousser avec ta malédiction à la con.

Là:



Et là pif! Gilda sort de la la chambre de Leduc. Ouf, soulagement de Rigoletto, alors c'était une blague, hein, dites, c'était pour rire. Mais sa fille tire une drôle de gueule. Ca va pas ma chérie? Ben, euh, répond la gamine, c'est-à-dire que la garantie va plus tellement marcher, j'ai un peu honte de le dire devant tout le monde mais Leduc m'a décapsulée.

Entracte.

(Pas en vrai, juste pour vous).
(Je vous rassure, ça va mal finir).
Bisous.



vendredi 2 octobre 2015

Vite la suite

Alors donc, j'ai acheté un ustensile qui permet aux filles de faire pipi debout, et c'est une extraordinaire aventure urinaire que je vous raconterai un autre jour car là, on a Rigoletto sur le feu.

Nous étions donc à la cour de Leduc, et le bouffon venait de se faire maudire un grand coup pour s'être un peu trop moqué d'un vieux papa qui mettait son honneur dans la culotte de sa fille (vous me direz c'est pas un endroit pour le ranger. Je vous répondrai ça fait des milliers d'années que je vous le répète). (je suis très vieille).

Donc là comme l'ambiance est un peu pourrie, tout le monde se casse et on se retrouve juste avec le bouffon qui chante que bon, la vie est dure quand on est vieux, moche et à la solde de DSK d'un noble priapique et friqué, mais heureusement il y a Gilda qu'est belle comme un soleil et qui m'aime pareil que moi j'aime Gilda qui est sa fille et Brel n'a absolument rien à voir à cette histoire. Eh puis tiens, comme on parle du loup, la voilà la mignonne, elle est aussi belle et pure que son père est moche et fourbe (on est à l'opéra faut que les choses soient claires). (Ceci dit le personnage du bouffon est plutôt profond et complexe comparé aux autres, mais on va pas commencer à parler sérieusement, je vous rappelle que ce blog est bénévole).

Donc elle chante coucou papa, comment j't'aime trop surtout que bon, maman est morte et c'est un peu la loose pour parler chiffons et premières règles à la maison (ya bien Giovanna la gouvernante mais si vous voulez mon avis--et vous le voulez, sinon vous ne liriez pas ça--ça remplace pas).

Là-dessus elle rentre faire la vaisselle et vlà-ty pas que le bouffon se fait aborder par un gars qui lui dit Salut, je suis un assassin et j'ai un couteau qui coupe, si t'as besoin de moi voilà mon 06.

(Oui, tout est normal oui).

(A la réflexion je crois qu'il rencontre l'assassin AVANT que sa fille ne lui raconte sa journée au collège, mais bon on s'en fout pour le fil narratif ça change pas grand-chose).

Donc là Rigoletto lui dit ben écoute c'est sympa, là en ce moment c'est plutôt calme les affaires, mais file-moi ta carte et je t'envoie un pigeon si j'ai besoin de tuer quelqu'un.

Et ils se quittent bons amis.

là:


Mais quel suspense. C'est insoutenable.

La suite vachement vite, et je vous rappelle que c'est qu'il faut aller le voir en vrai.

Et pour vous prouver que je mens pas quand je vous dis que Leduc il se la pète en mode "les filles sont toutes les mêmes et en plus elles racontent que des conneries et changent d'avis toutes les cinq minutes" (oui c'est exactement ça les paroles):

lundi 28 septembre 2015

Mots dits

Tiens, un article.

Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà, craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois, et donc c'est l'heure de vous raconter une histoire.

Il était une fois un type, appelons-le Leduc, qui ne pensait qu'à tirer des coups, partout, tout le temps. (Avec des filles. Peut-être aussi des brebis ou des laies, mais l'histoire ne le dit pas. Je laisse votre imagination faire le reste). Femmes mariées, pucelles en fleur, tout ça, hop, à la casserole.

Leduc était non seulement blindé mais en plus il devait dégager des phéromones de la muerte vu que TOUTES les femmes tombaient dans son slip à peine il les avait regardées. Et pourtant, il ne se donnait même pas la peine de faire semblant d'être fidèle (il était marié) et passait son temps à confier à son meilleur pote qu'elles se valaient toutes (confidence familiale: mon papa me disait ça aussi).

Donc le gars il est jeune, riche, beau, pas de MST déclarée (et ça c'est bien un miracle), il a une COUR (parce qu'il est noble), et de vils lèche-cul qui le suivent partout en ricanant quand il arrive à se taper une vierge par surprise.

Un jour le type, il est en train de faire une mégateuf avec ses potes, ses lèche-cul de service et son bouffon personnel (car il ne se refuse rien) quand ya un vieux monsieur tout ronchon qui débarque en mode "espèce de crapaud verruqueux t'as déshonoré ma fille, à qui je vais pouvoir la vendre la marier moi maintenant".

Là les lèche-cul ricanent, Leduc s'en tamponne (il pense à sa prochaine prise) et le bouffon en profite pour se foutre abondamment de sa gueule. "T'es gentil, on tolère que ta fille se fasse déshonorer par le boss, tu viens pas nous la jouer Trierveiler, tu remercies pour ce moment et tu t'en vas, hein".

Tout le monde se marre bien mais le vieux daron prend vapeur et là, horreur, il jette une MALÉDICTION sur le bouffon.

Or la malédiction, c'est un peu comme la peste bubonique: tu sais pas trop comment ça s'attrape mais tu sais que si tu fréquentes de trop près un gars qui a des pustules, ça va pas tarder à te gratter sous les bras.

Là les lèche-cul ils rigolent plus du tout. Le type non plus, et il fait carrément arrêter le vieux gars (non c'est pas Poutine, non). Et le bouffon flippe, mais vraiment.

Mais qu'est-ce que va-t-il donc se passer après? (Roulement de tambours, grincements de dents, passage de brebis paniquée).

Vous le saurez quand j'aurai cinq minutes pour raconter la suite.

En attendant vous pouvez voir la version officielle le 5 octobre au théâtre de la porte Saint Martin à 20h (je fais de la pub si je veux, je participe à cet opéra, ya MILLE places dans ce théâtre, autant dire que vous pouvez inviter vos potes tout le monde est bienvenu, yaura des cacahouètes et des boissons fraîches).









lundi 3 août 2015

Pfff.

J'ai beaucoup de boulot. C'est bien. Mais du coup j'ai pas de vacances, et c'est pas bien. Mais si j'avais pas de boulot j'aurais pas de vacances non plus vu que j'aurais pas de thunes pour prendre des vacances. Donc au final je sais pas si ça vaut vraiment le coup que je bosse douze mois sur douze et 6,99 jours sur 7.

Ah ben si, ça vaut le coup puisqu'il faut que je trouve 1200 euros pour payer mon bailleur. Tous les mois. (Pour les non-Parisiens, une note en passant: social, le bailleur. Certes j'ai 150 mètres carrés avec terrasse sur le toit et piscine commune. Meuh noooon je déconne. J'ai 65m2 au premier étage plein nord. Je me plains si je veux, je sais qu'il y a pire. Ils ont qu'à ouvrir un blog et se plaindre aussi, ils verront ça défoule).

Donc je bosse pour payer un appart que je suis condamnée à ne quasi-pas quitter puisque je dois bosser pour le payer (moi aussi je m'y perds).

J'en étais là de mes réflexions au bord de la désillusion épuisée et transpirante (je chialais en marchant dans la rue, quoi), quand tout à coup je vis au bord du trottoir des livres abandonnés, de toute évidence offerts à l'avidité littéraire des passants (et ça fait deux fois en deux jours, comme quoi ya pas que les chiens, les vieux et les traductrices qui se font abandonner l'été, ya aussi les bouquins).

Je me suis dit c'est chouette, voilà un signe qu'il faut que j'arrête de chouigner, si ça se trouve ya des bouquins géniaux, de ceux qui te changent la vie ou juste te distraient quelques heures, hein, on va pas chipoter, c'est toujours ça de pris, prends le cadeau que t'offre la vie ma fille.

Je me suis approchée, et voilà donc le message moralo-remontant que m'envoyait ma bonne étoile (avant de partir se bronzer le cul sur une plage des tropiques, sûrement, la salope):


Donc là je bouffe du Crunch en sanglotant, merci la vie.


samedi 18 juillet 2015

Bricolages

Je ne suis pas en vacances, les vacances c'est totalement petit bourgeois.

(Si vous changez deux ou trois lettres à cette phrase, ça fait "je suis tellement dans la dèche que je vais partir en vacances de 17h à 18h30 le 15 août, probablement dans l'Intermarché climatisé du boulevard Ornano".)

En ce moment je traduis un livre (et j'arrose des plantes et je nourris des chats -- je m'entraîne à être vieille et seule, quoi) sur un film de de Palma. Du coup j'ai dû regarder ce film qui a tout un tas de mérites et un bon paquet de ressorts comiques parfaitement involontaires. Je l'ai visionné juste avant de finir de bricoler dans la chambre de Gavroche avant son retour de vacances (= poser des étagères. Avec une perceuse. A percussion. Alors que ça devrait être interdit de me mettre ce genre d'outil entre les mains, déjà quand on me donne une cuillère je me coupe).

Dans ce film il y a une jeune femme très très belle qui se fait suivre par un bon paquet de vicelards (bon ils sont deux. Mais comme disait Brassens le pluriel ne vaut rien à l'homme, et comme disait moi il vaut pas grand chose à la femme surtout si elle n'est pas consentante). Yen a un des deux qui veut sa peau. Et pour lui prouver, il essaie de la tuer avec ça:


Oui, voilà, donc une perceuse GÉANTE avec une GROSSE mèche (pas du tout phallique non non) et il lui met des ptits coups, hop un ptit coup dans le ventre, et hop un ptit coup dans le dos, jusqu'à ce que finalement il la fasse tomber par terre et là

(Ma fille lit ce blog. Ma chérie s'il te plaît arrête de lire et regarde plutôt ça.)

(Oui je sais, ma fille a 14 ans et c'est peut-être un peu tôt pour lui faire découvrir ces histoires de lapins mais un jour il faut se colleter avec la réalité).


il lui transperce le ventre et emporté par son enthousiasme il transperce aussi le plancher, à la grande joie du deuxième vicelard occupé à se faire bouffer par un chien à l'étage du dessous qui voit la mèche de la perceuse traverser le plafond et une douche de sang tomber à deux mètres de sa tronche (évidemment il était amoureux de la fille au trou, ce qui ne fait que rendre la situation plus cruelle) (d'un autre côté c'est un peu le plus grand looseur de l'année donc on a du mal à s'apitoyer).

Bref ça aurait été un film pioché au hasard j'aurais arrêté dès le premier chatouillis à coup de perceuse mais là je DEVAIS regarder, j'ai donc tout vu, un coussin serré sur le ventre, en hurlant encore plus fort que la fille trucidée (et les filles trucidées des années 80 elles criaient fort).

Ensuite c'était fini, le héros-looseur avait un sursaut de lucidité et comprenait qu'on s'était foutu de sa gueule, et trois ou quatre incohérences plus tard (le méchant tue une autre fille qui se réveille au bord de sa tombe puis se rendort dans sa tombe puis se réveille quand le gentil lui tombe dessus et croit que c'est lui le méchant mais heureusement le chien du méchant saute sur le méchant alors que c'est son maître et qu'il y a un quart d'heure il voulait bouffer le gentil et tout finit par des chansons) (bon ça a l'air nul comme ça mais c'est pas mal dans l'ensemble, notamment parce que ça parle aussi beaucoup de sexe et de masturbation féminine ce qui est extrêmement rare dans le cinéma américain de l'époque--même si évidemment c'est vu uniquement sous l'angle du voyeurisme par un spectateur masculin, faut pas déconner avec ça), trois ou quatre incohérences plus tard donc (cette phrase est beaucoup trop longue) il se tape enfin la blonde.

Et moi je peux finir de bricoler dans la chambre de Gavroche. À la perceuse.


Et incidemment, tant qu'à baigner dans une marre de sang et puisqu'on ne se lasse pas de parler de règles, j'ai l'habitude de regretter que les pubs pour protections féminines soient connes et utilisent du liquide bleu, tout ça.


Et puis j'ai vu cette pub, et je me suis dit que finalement, c'était ptête mieux qu'on reste un peu sur le liquide bleu et les nénettes à qui le dérèglement hormonal donne des envies incoercibles de danser en justaucorps blancs sur la plage et de caresser des chats, plutôt que d'utiliser les règles pour humilier encore un peu plus les femmes et leur montrer à quel point leur corps est dégueulasse:


Ce post parfaitement aléatoire vous est offert par  Intermarché et l'association des amis des parenthèses.

mercredi 8 juillet 2015

oh les filles

Hier soir, à 22h30, entre le Red Castle district et Montmartre sur Boboland, je me suis fait accoster par un charmant quasi-jeune homme qui, après m'avoir expliqué en quelques mots l'effet que j'exerçais sur ses sens (hémadame zêtes charmante j'adore les femmes comme vous) (notez que j'ai passé le cap de Mademoiselle vous êtes charmante, ça fiche un coup), est allé droit au but et m'a demandé avec beaucoup de politesse et une subtilité de bison est-ce que je voudrais bien monter avec lui, là, tout de suite?

Je me suis détaillée avec étonnement, car il ne me semblait pas être accoutrée d'atours indiquant la putitude (et d'ailleurs pour une fois j'avais même pas de décolleté, comme quoi la beauté--ahem--est intérieure) (et j'ai vraiment rien contre la putitude, mais bon en général ya une vitrine, et là je l'avais pas) et j'ai répondu que non ça va, pas tellement envie d'aller me faire sauter à Château Rouge en milieu de soirée dans un appartement inconnu par un type qui ne l'était pas moins.

Vous allez dire que je suis difficile, et que si ça se trouve j'aurais passé un super moment, et quand on essaie pas on peut pas savoir si on aime (ou comment les platitudes d'une banalité affligeante qu'on sert à table à nos moutards nous reviennent dans la tronche façon boomerang).

Certes.
Mais j'ai le droit de pas avoir envie?

Là j'ai eu du bol, le gars n'a pas tellement insisté. Il m'est arrivé après avoir ainsi refusé de galantes avances du même tonneau de me faire copieusement insulter, ou culpabiliser (ouais tu me connais même pas, chuis pas assez bien pour toi, etc etc).

Et c'est curieux parce que parfois, ça marche. Je veux pas dire que je suis ce genre de type (sérieux ya des filles qui les suivent gratuitement?)  Mais dans la mesure où je ne trouve rien à répondre sur le champ au type qui m'ENGUEULE parce que je ne veux pas le suivre/le sucer/prendre un café, juste après je me trouve vaguement conne, bizarrement mal à l'aise, d'avoir dû envoyer chier un type que je ne connaissais pas.

Un peu comme le jour où je me suis retrouvée nez à nez avec un mec qui me voulait vraiment beaucoup de mal, et que je me suis dit Vas-y, frappe-le, maintenant, sinon tu y passes, et qu'une petite voix dans ma tête a dit hopopopo, hé, il ne t'a ENCORE rien fait. On tape pas la première, c'est pas poli. D'abord lui, et ensuite s'il t'a pas écrasé trop fort la tête contre le mur, tu protestes.

Mais BORDEL d'où elle vient cette voix? Pourquoi on ne peut pas être à moitié aussi agressive que les types qui nous emmerdent? Comment ils ont fait, nos éducateurs, les médias, la société, pour nous garder aussi passives devant les harceleurs? Aussi désarmées devant les connards qui nous tripotent, qui nous suivent, ou qui nous harcèlent dans la rue? Quand je m'improvise un mari pour qu'on arrête de me faire chier (j'invente rien, j'ai dû le faire cette semaine ça aussi, le type il m'a suivie pendant une demi-heure sans que je m'en aperçoive et après il est venu me dire tout ce que j'avais fait pendant qu'il me suivait, où je m'étais arrêtée, ce que j'avais regardé et acheté, ce qui n'était pas du tout anxiogène) après je me sens toujours un peu coupable d'avoir menti. Ce qui est doublement dingue: premièrement de me sentir mal à l'aise d'avoir eu un comportement d'autodéfense, et deuxièmement de me sentir conne...d'avoir été mal à l'aise.


On est pas rendues, hein.


dimanche 28 juin 2015

Agenda

Cette semaine j'ai vécu de grandes choses.

D'abord suite à une trad j'ai eu drôlement envie d'essayer une coupe menstruelle. C'était à la fois comique et terrifiant. Comique parce que une espèce de soucoupe volante en silicone c'est un truc que j'avais encore pas songé à me mettre dans le vagin. L'idée était plaisante en soi. Mais surtout, la chose a en fait une réelle autonomie (désolée si vous n'avez pas de vagin ça ne va pas vous chauffer la nouille mon histoire, allez lire un article sur les torsions testiculaires en milieu imposé et revenez dans trois paragraphes) et dès qu'elle est introduite dans son milieu naturel elle se tire vers l'inconnu et au-delà.

Ce qui fait que le soir, pour l'enlever, faut enfoncer le bras jusqu'au coude façon vétérinaire vérifiant la position du veau avant la poussée (je sais de quoi je parle, j'en ai vu en vrai). Et la première fois je me suis dit bon sang, elle s'est barrée dans les trompes je vais être siliconnée du follicule mais en fait non, car le col de l'utérus étant une divine invention, il fait barrage.

Invention divine, mais lointaine quand même. Du coup pour choper la coupelle faut quand même être assez souple et ne pas avoir les ongles trop longs (mais aïe). Et une fois qu'on l'atteint non non non, c'est pas fini, faut faire un APPEL D'AIR sinon ça fait ventouse.

(Je vous laisse une minute pour réfléchir aux conséquences d'une traction sur ventouse posée sur le col de l'utérus. Tirez un grand coup, et tout le paquet est livré en une fois. Stérilet? Check. Trompes? Check. Et le bout là c'est quoi? Ovaire gauche à vue de nez.)

Bon en vrai le prolapsus est peu probable (attention dernier appel pour les âmes sensibles, il est encore temps d'aller regarder un épisode de Candy plutôt), mais si on peut pas faire appel d'air parce que ça GLISSE bordel, alors ça sort en explosant.



Oui, voilà, Stephen King dans tes chiottes.

Donc que du bonheur.
Comme j'ai vachement aimé l'expérience, j'ai recommencé tous les jours (et investi dans un karcher).

Au final c'est quand même économique/logique et pratique et bref, j'ai décidé que je gardais le machin jusqu'à la fin de ma vie utérine active.

A la fin de mon cycle j'ai bien fait comme ils disent sur la boîte, je l'ai fait bouillir pour le stériliser.

Et comme je l'ai oubliée dans la casserole, la chose a totalement fondu.

Donc ça, c'est réglé.

Ensuite, je suis allée travailler pendant deux jours dans les locaux de Libé et pour une fois j'aurais pu avoir le journal gratuit mais c'est con, chuis abonnée, ça sert à rien. J'ai traduit des trucs top-secrets, j'avais l'impression d'être une James Bond girl mais pas en maillot de bain, avec vingt kilos de plus et une coupe menstruelle dans la chatte.

Ensuite je suis allée interviewer une dame trans qui en l'espace d'une heure de discussion a réussi à me montrer une fois son soutif et environ douze fois sa petite culotte (quand je dis petite c'est une façon de parler). Elle était charmante, hyper serviable et absolument exhibitionniste. Pour une première interview de ma vie j'étais pas du tout mal à l'aise.

Enfin j'ai failli me faire arnaquer par un potentiel client qui veut me payer une trad de plus de 200 pages en feuillets mais sans les espaces.
(NB: un feuillet c'est 1500 signes espaces comprises. (NNB: oui espace c'est féminin en typo. Ne me remerciez pas c'est cadeau).)
Donc j'hésite entre l'envoyer bouler et faire la trad en lui rendant 200 pages sans le moindre espace. Un seul mot, de 200 pages. Ça ferait un truc dans ce genre-là mais fois des millions:
bonjourjenaimarrequ'onmeprennepourunepoireessaieencoredemarnaqueretjeviensvidermacoupemenstruelledanstonpotàcrayons.

Jmetâte.

jeudi 28 mai 2015

Ça va être ta fête



"Donnez un coup de pelle à vos mômes pour leur apprendre à vous confondre avec la bonne."


En vous remerciant.


(Message sponsorisé par le comité de défense de l'avortement jusqu'au quatorzième mois).

mercredi 27 mai 2015

Chante et tais-toi

J'ai tenté une nouvelle chorale (dans celle d'avant je ne faisais pas le poids, quand le corps râle faut se faire une raison. Surtout quand c'est le mien).

Tout bien sur le papier: quasiment à proximité, répètes les jours idoines, répertoire hispano-russo-basque, un chef de choeur presque neuf et, cerise sur le gaspacho, une bouffe bien arrosée au moins une fois par mois après les vocalises.

Quand je suis arrivée ils n'étaient que cinq et ils étaient tous mâles. En entrant j'ai entendu comme des borborygmes: c'était leur reste de testostérone qui tentait quelques bulles, avant de retomber car c'était l'heure de la sieste.

Ils avaient tous cent ans.

Qu'importe me dis-je, je ne suis pas gérontophobe, on est tous le vieux de quelqu'un, j'ai beau être insensible au charme du papy qui se ratisse les quatre mèches qui lui restent en travers de l'occiput pour faire croire qu'il y a encore du monde, si ça se trouve il chante comme un dieu et je ne vais plus vouloir repartir.

Quand l'effectif fut au complet, trois dames nous avaient rejoints, dont une, au sourire angélique et aux yeux pétillants, devait être la grand-mère de Jane Calment.

Elle m'expliqua avec douceur qu'ici on était bien traitées, nous les dames, car on n'était pas nombreuses et que les hommes étaient bien galants et aux petits soins (miam). Ce qui un instant m'a laissé penser que chez elle, ça n'avait dû être le cas tous les jours.

Le chef de choeur, un bébé d'une trentaine d'années, nous fit chanter du basque à gorge déployée, le petit jeune de la bande (mon âge et quelques) dont l'étonnante tessiture m'accompagnait dans les aigus s'étant placé à côté de moi pour que je suive, et c'était bien.

(Quand même je jetais régulièrement des regards inquiets vers ma voisine, l'unique autre soprano, qui tanguait dangereusement à chaque projection vocale. Elle tenait bravement le coup.)

Ensuite on m'expliqua que pour les dîners, les femmes faisaient à manger et que les hommes apportaient à boire.

Enfin quand j'ai voulu ranger des chaises on s'interposa: il y avait des hommes pour ça. Quand j'ai répliqué que j'étais une femme moderne et que ça me donnait le droit de soulever une chaise ou deux (surtout étant donné que ma masse musculaire pourtant assez indigente dépassait de loin celle du papy suant qui tentait de défendre sa position de mâle dominant), j'ai eu l'impression d'avoir dit que non de dieu de bordel de bite tire-toi de mon chemin ou je te fais bouffer tes couilles (je vous jure que c'est pas DU TOUT ce que j'ai dit).

Moi qui croyais avoir fait une incursion dans le XVIe arrondissement, en fait je venais de m'égarer dans les années 1950.

J'ai donc pris congé de cette charmante compagnie bien décidée à ne pas y remettre les cordes vocales. Sans rancune, hein, car ils étaient tous absolument charmants et indubitablement fossilisés dans des coutumes d'un autre âge, d'une autre vie, que je ne connais que trop bien et que je n'ai de cesse de fuir. Celles qui veulent qu'une femme soit à la fois une petite chose charmante, fragile et douée pour la popote, cette mentalité rance qui prend le prétexte de la protection des unes par les autres pour les soumettre, se soustraire à toute empathie (ma femme n'a pas eu tellement mal en accouchant!!!), et ne surtout pas leur laisser la parole.

Bref j'ai bien rigolé et je suis retournée compulser les petites annonces de chorales qui cherchent des choristes.

J'en ai trouvé une de lesbiennes. A suivre.












vendredi 1 mai 2015

Sous tifs

Il y a des gens qui voient profondément en vous, tout de suite, et qui comprennent un tas de choses sans que vous ayez besoin de les leur dire.

Mon toubib il est comme ça.

Quand je suis arrivée dans son cabinet, j'ai à peine eu le temps de lui serrer la main qu'il me disait déjà "il y quelque chose qui a changé chez vous. Quelque chose de positif."

Il n'a pas mis très longtemps à me tirer les vers du nez--moi je ne demande que ça, j'aime bien ça fait son ptit effet quand je laisse tomber le voile. Vu que je traite le plus souvent avec des gens assez évolués, ils ne sont pas choqués, non, mais surpris, oui. J'ai levé les yeux vers lui.

Je lui ai expliqué.
Je me suis découverte.

Et déshabillée (c'est un toubib je vous rappelle, je suis là pour ça). (Et puis il n'est pas mal ça gâche rien...)
Ca n'a pas raté, il a écarquillé les yeux un millième de seconde, et hop il s'est repris, et il a soupiré "moi aussi j'y pense j'aimerais bien, je me dis que tout serait plus simple. Mais je ne me vois pas du tout le faire."

Ces mots-là étaient dans ma bouche il n'y a pas un an, et aujourd'hui je suis une autre. Je suis passée de l'autre côté non pas parce que je le voulais, mais parce que j'y étais déjà et je ne le savais pas. Simplement je ne pouvais pas y arriver toute seule. Il fallait que quelqu'un vienne me chercher, me montre que j'avais ça en moi, me pousse à le faire. J'avais besoin de lire dans les yeux d'une autre que j'étais, aussi, faite pour ça.

Et ce n'est pas le bouleversement qu'on croit. Ca ne remet pas tout en question. Ce n'est pas compliqué. On n'en sort pas différente: on découvre et on montre simplement une autre facette de soi. Celle qui attendait tranquille en se disant "un jour mon tour viendra et je m'avancerai sur la scène pour jouer mon rôle, moi aussi."

Et si c'est encore rare, si souvent on le cache avec perruques, foulards et maquillage de théâtre, si l'assumer n'est pas une mince affaire même devant ceux qu'on aime ou qu'on croit aimer, c'est là, c'est possible de vivre aussi comme ça. Même si c'est trop loin de la norme pour être vraiment confortable. Puisqu'évidemment, il y a un bon paquet de gens qui ne comprendront pas.

Et ça ouvre des horizons tellement plus vastes. On ne regarde pas les autres filles pareil dans la rue. On a l'impression (mais est-ce que ce n'est pas une réalité?) que les hommes nous regardent différemment. A la fois curieux, vaguement mal à l'aise, mais très intéressés.  Ca se remarque tant que ça?

Et on peut choisir de ne pas y penser. De le mettre en latence. De ne pas en faire une obsession, de se le garder pour plus tard, ou de se dire qu'un jour on se lancera, et peut-être que ça n'arrivera jamais, mais de ne pas se l'interdire. De ne pas le vivre comme quelque chose de subi, mais comme un cadeau qui nous permet une seconde naissance--l'expérience et l'âge en plus. Supporter le regard curieux des autres c'est tellement plus facile à 40 ans qu'à 15.

Bref, je me suis rasé la tête.

jeudi 19 mars 2015

pot et chagrin

Aujourd'hui dans le métro, Barbès-Belleville. Genre cinquante ans, grisonnant, un genre de fils naturel de Hugues Auffray et de Cheb Mami. Du raï sur les rails.
Il chante une jolie chanson en arabe, et s'accompagne à la guitare. Sa chanson terminée, il nous parle. Voici ce qu'il nous dit.
"Faut s'unir! Faut être unis!! Parce que quand on est unis, on est heu....ben ensemble quoi. Ya des gens, ils veulent séparer les autres. C'est pas bien. Quand on voit des gens mariés qui sont heureux, ben on devrait pas essayer de les séparer. Parce que yen a qui essaient. Ya des hommes, ils voient une femme qui est heureuse avec son mari, ben ils la draguent. Mais ya des femmes aussi, elle draguent les maris des autres! Alors bon, quand vous êtes dans la rue, et que vous voyez quelqu'un avec un pain, vous allez pas lui prendre alors que vous avez une baguette de pain à la maison!!!! C'est la jalousie ça, c'est MAL.
Alors faut tous être unis hein. Qu'on soit noir, blanc, arabe, juif, musulman, chrétien, bouddhiste, on a tous le sang de la même couleur.
Et on fait tous CACA PAR TERRE.
Personne ne chie en l'air.
Parce que quand on chie en l'air, ÇA VOUS RETOMBE SUR LA GUEULE."

Là j'étais arrivée à Belleville. J'ai dû descendre. En me tenant les côtes.
Je voudrais tant, oh oui je voudrais tant que mon cerveau soit capable, l'espace de cinq stations de métro et la tête pleine de notes de musiques, de passer de on est ensemble à faut pas chier en l'air.
Mais je n'ai pas encore atteint le niveau poétique nécessaire. Je continue d'essayer.

(Au retour j'ai discuté avec un clodo qui m'a raconté "La peau de chagrin", que je n'avais pas relu depuis vingt ans au moins. C'était chouette sauf qu'il sentait très mauvais et qu'il m'a expliqué comment il ne pouvait jamais dormir, parce que le conducteur du Noctambus le fout toujours à la porte du bus au terminus, sans le laisser faire le trajet dans l'autre sens. Alors il est obligé de descendre du bus, d'attendre 30 minutes dans le froid qu'arrive celui d'après. Et au petit matin, il prend le train pour Rambouillet, parce que c'est long et qu'il peut, avec la carte Navigo qu'il lui reste. Mais qu'à l'heure de pointe, entre 7 et 9h, quand les gens vont travailler, il est obligé de se lever et de céder sa place. Quand je suis descendue, à Barbès, il a repris son trajet dans la rame en beuglant JE SUIS LE MARQUIIIIIS. Celui de la peau de chagrin. Qui se suicide lentement en regardant sa vie rétrécir sous ses yeux.)




Je la trouve belle, Juliette :)

mardi 10 mars 2015

Brèves

Je ne fais que passer.

Ca fait 330 jours que les 270+++ lycéennes nigérianes ont été enlevées (Bring back our girls? Bon visiblement c'est plus tellement swag, c'et même pas un argument électoral sur place).

La France entière est en deuil, il paraît, suite à un crash hélicopto-téléréalito-sportif (pas moi. Allez-y préparez les cailloux, mais alors je m'en tape en fait. Hou c'est mal).

Cosette, en 4e déjà, a eu deux heures "d'éducation sexuelle" au collège, par une association extérieure à l'éducation nationale qui en fait sa spécialité. Le type qui a pris en charge le groupe de filles de sa classe a confié à la prof d'anglais qui lui disait "Si il y en a qui perturbent le cours, vous n'aurez qu'à me les envoyer en salle des profs":
"C'est pas grave, au pire je pourrai toujours les violer".
Ce qui a déclenché l'hilarité (quasi)générale (sauf de la part de Cosette qui bouffe du steak de sufragette à chaque repas depuis 13 ans). Maintenant les gamines qui se font déjà violer par un oncle ou un père indélicat savent que d'une part c'est drôlement rigolo, et que d'autre part ya vraiment pas de quoi fouetter un chat et que si elles l'ouvrent on leur rira au nez.

Cabu est toujours mort.

Alors que Marine le Pen est toujours vivante.

Mais.... en Finlande ils ont inventé le championnat de lancer de téléphones portables, et ça c'est quand même un truc qui vous réconcilie (un peu) avec la race humaine. (Dommage qu'ils aient aussi inventé le championnat de porté d'épouse, qui consiste à porter sa gonzesse en courant vite et loin, donc, comme son nom l'indique. Là on a envie de les attacher tous à des poteaux et de leur lancer très fort des téléphones portables sur la tronche).

Allez soyez pas sages.









mercredi 11 février 2015

Hot

Comme je suis une feignasse très occupée, au lieu de sortir des trucs nouveau de ma pauvre cervelle en surchauffe je vous mets du réchauffé (yen a un peu plus que d'habitude, mais je vous le mets quand même). C'est un article que j'ai écrit pour Slate à l'époque où est sorti le monument littéraire 50 nuances de Grey qu'on ne présente plus (pitié, ne le présentons plus). Feignasse certes, mais qui colle à l'actualité: le film sort aujourd'hui (contrairement à moi qui ne vais pas pouvoir sortir beaucoup).

C'est sûrement un chef d'œuvre.


Vous avez fait le tour des polars de vacances et autres livres politiques de l’été? Étape suivante: le roman érotique. Aux États-Unis, côté chambre à coucher le best-seller de l’année est définitivement 50 Shades of Grey, d’Erika Leonard James. 50 Shades nous promet non seulement du sexe, mais aussi du sadomasochisme et du bondage à la pelle. En anglais pour l’instant, et en français à partir d’octobre 2012 grâce aux éditions Jean Claude Lattès sous le titre 50 nuances de Grey.
Pour celui (ou celle) qui s’intéresse un minimum à la culture américaine et à l’ambiance généralement puritaine que nous renvoie son actualité politique, c’est aussi nouveau qu’excitant. De l’érotisme torride, qui fait chauffer les culottes des ménagères désespérées et promet une version cinématographique interdite aux moins de 16 ou 18 ans? Du SM si émoustillant qu’il aurait suscité un baby-boom chez les Américaines tellement pressées de se faire donner la fessée qu’elles en ont oublié d’enfiler leur diaphragme?
C’était trop beau pour que je passe à côté. De l’avis général d’ailleurs, puisqu’à peine avais-je eu la velléité de le commander qu’un ami bien intentionné me l’offrait déjà. La bave aux lèvres, les yeux luisant d’anticipation et les enfants expédiés chez les grands-parents, j’ai plongé.

Ne vous fiez pas à la 4e de couverture

Officiellement, 50 Shades of Gray raconte l’histoire d’Anastasia, vierge de 21 ans à la tignasse indomptable, livrée en pâture au pervers Christian Grey, jeune et mystérieux milliardaire dont le passé cache de lourds et, on le devine, douloureux secrets. La pauvre Anastasia va subir tout un tas d’outrages plus sexuels les uns que les autres, y perdre sa culotte et dégringoler dans la dépravation la plus humiliante, en devenant l’esclave de l’impitoyable Christian. Menottes, salle de torture, cravaches, boules de geisha: Histoire d’O n’a qu’à bien se tenir, et les coquines de Manara s’inscrire au couvent des Oiseaux. 

Sauf que pas du tout.
Car ça, c’est ce que la 4ème de couverture et certaines lectrices affolées voudraient nous faire croire. Ce n’est pas exactement faux, mais c’est un peu comme si pour vous résumer Les Visiteurs, je vous disais que le film raconte l’histoire d’un homme très religieux partant en voyage initiatique après avoir été rejeté par sa fiancée suite à un tragique accident de chasse. À se demander ce que Christian Clavier et Jean Reno viennent faire là-dedans.
En vrai, 50 Shades of Grey met en scène une oie blanche d’un niveau de maturité proche de celui de Bécassine, qui rencontre un faux pervers milliardaire, jeune, beau et blessé par la vie et qui va faire de son mieux pour lui faire croire qu’il a des goûts sexuels déviants. S’il arrive à la convaincre, moi je suis restée sceptique. Car en réalité, c’est l’histoire, encore une fois, une désespérante fois, de Cendrillon.

Cruche un jour, cruche toujours

Colette Dowling, dans son livre Le complexe de Cendrillon, explique : «Comme Cendrillon, les femmes attendent encore aujourd’hui qu’un élément extérieur transforme leur vie». Ce complexe, on le retrouve chez les femmes qui ne vivent pas dans des contes de fée. Ce «besoin profond d’être prise en charge par les autres» les pousse à se mettre elles-mêmes des bâtons dans les roues, qu’il s’agisse de leur réussite sociale ou de leur vie affective. Anastasia, c’est Cendrillon qui aurait perdu sa culotte entre la citrouille et le dessert. Et dont le personnage ne traverse pas la moindre évolution psychologique ou affective. Cruche un jour, cruche toujours. Éperdue et romantique. La foire aux clichés.
Parce qu’évidemment, Anastasia est vierge, et elle attend le prince charmant. Évidemment, elle est étudiante en littérature (doctorante en bioinformatique spécialiste des bactéries pathogènes ça aurait moins bien fonctionné?) Évidemment, il est riche, il est beau, il a un regard hypnotisant, elle a la culotte qui frémit à chaque fois qu’il pose les yeux sur elle, et il la couvre de cadeaux (dans le désordre: une édition rare de Tess of the D’Uberville (attention je suis dangereux, fuis avant qu’il ne soit trop tard), un ensemble de lingerie (en dentelle—le comble de la dépravation), un ordinateur portable et un téléphone (je veux toujours savoir où tu es), une voiture rouge—rouge! (ta guimbarde est une citrouille, laisse-moi choisir ton carrosse).
Au premier rencart, il la transporte en hélico. Mais pas avant de lui avoir sauvé la vie (comprendre lui avoir tenu les cheveux pendant qu’elle vomit dans un parking, après avoir trop bu pour la première fois de sa vie), l’avoir sauvé d’un prédateur sexuel (son meilleur pote qui essayait de l’embrasser après l’avoir saoulée à la margarita) et l’avoir mise à l’abri (dans son lit...mais en tout bien tout honneur, on a beau être vicieux, ça n’empêche pas d’être un gentleman).

Soumise avant même des rapports dominant/dominé

Anastasia c’est Cendrillon, mais aussi la Belle au Bois dormant et toutes ces cruches victimisées qui se sont laissé bouffer l’indépendance sur le dos. Même Blanche-Neige, qui a eu assez de cran pour se tirer dans la forêt une fois sauvée par le chasseur chargé de l’étriper, finit femme de ménage chez les sept nains. Toutes les gourdasses qui ont bercé notre enfance et influencent aujourd’hui la sexualité de tant de femmes—et d’hommes.
Anastasia a des velléités de refuser tous les cadeaux que Christian lui fait—mais elle les accepte, soumise déjà avant même qu’il ne soit question de rapports dominant/dominé. Au fond d’elle, elle sait que ce qu’elle veut c’est de l’amour avec un grand A, pas des coups de cravache—pourtant elle essaie quand même, parce qu’au fond, elle le veut cet homme, et qu’il faut bien faire des concessions dans la vie (et qu’en bonne Cendrillon, elle attendait son prince).
Déjà qu’elle a la chance de l’intéresser, lui si beau-riche-et-célèbre, elle si sotte et insignifiante (bon là on ne peut que lui donner raison). Et si à la fin du bouquin elle rentre chez elle en décidant éplorée que décidément non, le sadomasochisme ne passera pas par elle, c’est qu’elle a demandé à Christian de la punir et qu’il lui a collé de bons coups de ceinture pour la calmer. Et que oh, surprise, ça fait drôlement mal.

Un bon vieux Harlequin

Tout est si prévisible dans 50 Shades of Grey: Christian le milliardaire ne supporte pas qu’on ne finisse pas son assiette parce qu’évidemment, il a eu faim dans son enfance (il a été adopté. Dickens, sors de ce livre de cul). Or, Anastasia n’aime pas manger. Ce qui permet au pervers Christian —qui je vous le rappelle, est supposé ne penser qu’à se l’envoyer sauvagement— de la gronder toutes les dix pages parce que ne pas manger, c’est pas bon pour la santé (alors que se faire fouetter, si). En outre, Christian gagne de l’argent en nourrissant les petits enfants d’Afrique (ce qui rapporte, c’est bien connu). Christian c’est le Prince charmant par excellence: beau, bon, riche, gentil, et qui adule sa maman (à qui il présente sa future esclave sexuelle en moins de trois jours). Côté sexe, c’est idyllique: l’orgasme est quasi-instantané, efficace et automatique à chaque déshabillage —il la touche, bim, elle saute au plafond.
Le schéma oie blanche rencontre beau gosse riche et mystérieux qui lui veut du mal alors qu’en fait non, ça ne vous rappelle rien? La jeune fille vierge et pure dont le discours intérieur est limité à des exclamations de surprises, et qui est incapable de se référer à son sexe autrement que par le mot «there» (là)? Et en italique s’il vous plaît, pour souligner à quel point c’est gênant? L’orgasme en deux coups de cuillère à pot, quasiment sans les mains? Eh oui, 50 Shades of Grey, c’est tout simplement un bon gros Harlequin coquin. Quoiqu’au moins, dans la collection «sexy» de ces célèbres romans à l’eau de rose, il est question d’intimités brûlantes qui pénètrent des féminités haletantes (je le sais pour en avoir traduit au début de ma carrière, pour me faire la main et bouillir la marmite—car même au max de l’érotisme, Harlequin ne fait pas bouillir grand-chose d’autre).
Alors d’accord, on échappe au cliché absolu puisque le premier tome ne se finit pas par un mariage. Mais à en croire des blogs de lectrices exaltées, c’est pour mieux retomber en plein dedans et convoler en justes noces SM entre le 2e et le 3e volumes. Ce «nouveau» genre de littérature érotique, qualifié par le NYT de «Mummy porn», ou porno pour mamans, est en fait un roman pour dames des plus classiques qui ne dit pas son nom, où les codes sont restés les mêmes que dans les livres à l’eau de rose et les romans-photos de nos grands-mères. Et c’est un immense succès de librairie (bientôt 20 millions d’exemplaires vendus aux États-Unis, dont la moitié en version numérique, car pour beaucoup de femmes, il est gênant d’être vue en train de lire un livre érotique).
En ouvrant ce livre, vu qu’on est en 2012 quand même, j’espérais un peu de neuf dans l’érotisme, un personnage féminin hors des sentiers battus doté d’un minimum de cervelle et qui n’aurait pas le mariage pour unique horizon, un fil narratif guidé par autre chose qu’une histoire d’amoûûr pour minettes ou desperate housewives en mal de transgression... mais il semble que Cendrillon, avec ou sans culotte, ait de beaux jours devant elle.