vendredi 30 octobre 2015

Vacance

Pour la première fois depuis un an et demi, j'ai pris des congés (non payés. Je vis avant 1936). Je suis allée dans la Méditerranée, là où il fait encore beau et chaud, où les volcans le disputent aux cactus, et les tomates bien mûres à la bresaola qui fait frémir les papilles. Et je vous parle même pas des cannoli, ce serait péché.

J'ai été raillée par la nature qui a refusé de faire naviguer les bateaux que je voulais prendre, et qui m'a réduite à ma juste taille en me montrant qu'elle pouvait pisser plus loin que moi des gerbes de lave et des pluies de cendre. C'était beau.

Et un matin je suis allée me baigner dans la mer. Fin octobre, le luxe absolu. Elle était presque chaude, et parfaitement transparente. Je n'ai mis que dix minutes à rentrer dedans (je suis très mal thermorégulée. Tout est froid dans la vie, je trouve. Mais là j'ai fait un effort, demain je rentrais à Paris et c'est pas dans la Seine que je vais faire des brasses. Pis surtout j'allais pouvoir frimer en rentrant sur le mode hier à cette heure-ci je barbotais dans la mer nananère).

Donc au bout de dix minutes de trépignements et petits cris mouillés, je suis partie dans de grandes brasses ravies, dans une eau tellement cristalline que j'aurais pu compter les cailloux du fond si j'étais pas aussi miro (je me suis fait opérer des yeux au laser et je suis redevenue miro illico, car apparemment Dieu m'en veut énormément. Faudra qu'il m'explique ce que je lui ai fait, on peut éventuellement s'arranger, je suis prête à m'excuser même, mais s'il pouvait arrêter de rigoler avec ma santé et pourquoi pas cesser de jouer de la contrebasse avec mon nerf sciatique? Mais je m'égare).

Et là, devant moi, flottant à la surface j'ai vu un truc. Un gros bidon blanc, inerte, qui flottait. Qui m'a heurtée. J'ai pas crié tout de suite, même si j'étais vaguement dégoutée. j'ai regardé de plus près. C'était pas un bidon. C'était quelqu'un. De parfaitement mort et noyé, sur le ventre, et gonflé, et vêtu d'une chemise blanche trempée, évidemment. Là j'ai hurlé. Et j'ai voulu faire demi-tour. Et j'en ai vu d'autres. Plein. Des hommes, des femmes et des enfants qui flottaient TOUS sur le ventre, tous noyés morts. J'ai bu beaucoup d'eau au goût de mort en hurlant et en repartant à la nage vers là où j'avais pied. Combien ils étaient? Huit, dix, douze peut-être. Morts morts morts morts.

Evidemment je me suis réveillée avant d'atteindre le rivage.

J'ai ouvert les yeux dans ma chambre sicilienne, dans le lit à côté de mes enfants, vivants, vivants, vivants.

Et on est allés se baigner dans la Méditerranée. Tellement transparente qu'on peut voir les cailloux au fond de l'eau, si on est pas trop miro.





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