dimanche 29 novembre 2015

Triste.

Deux semaines après le massacre, on peut peut-être arrêter d'avoir peur.

On peut arrêter d'avoir peur en passant à l'action; en bombardant Raqqa, en retournant à des concerts, en buvant des coups en terrasse et en y constatant que personne ne nous tire dessus. En laissant sortir les enfants et en voyant qu'ils rentrent vivants. On peut arrêter d'avoir peur en faisant l'amour et en réalisant que c'est toujours aussi bon. En respirant des têtes de bébé. En refaisant le monde avec les potes, en agitant des drapeaux aux fenêtres, en écoutant des chansons d'amour et d'espoir. En allant voir des présidents du monde entier pour se mettre d'accord avec eux que le terrorisme c'est mal et qu'il passera pas par nous (soupir).

On peut arrêter d'avoir peur en pensant enfin à autre chose, en reprenant le cours de sa vie quand on a la chance d'en avoir encore une, et de n'avoir perdu personne. On peut arrêter d'avoir peur en voyant les dispositifs sécuritaires, les portiques et les fouilles se multiplier comme des petits pains. On peut arrêter d'avoir peur en organisant ses prochaines vacances avec ceux qu'on aime puisqu'ils sont là et qu'ils veulent bien nous supporter encore un peu. En engueulant ces connards de voisins qui écoutent la musique trop fort, en recommençant à faire la gueule dans le métro (vous avez remarqué comme à Paris, ces derniers jours, les gens levaient--un peu--le nez de leurs portables pour regarder autour d'eux?)

On peut arrêter d'avoir peur en cessant de se dire, dès qu'on croise une personne blessée dans la rue, que mon Dieu, peut-être qu'il y était. En mangeant des bonnes choses, en faisant des courses de Noël. en se disant qu'on est tellement nombreux à trouver ce massacre indigne de notre humanité, que forcément, on va gagner ce combat-là.

On peut arrêter d'avoir peur en se disant que la peur n'évite pas le danger, et que peur ou pas, ça va se reproduire, ici ou un peu plus loin, pareil ou un peu différemment, mais ça recommencera, et que se scléroser en attendant la balle, c'est juste renoncer à ce qu'il nous reste avant qu'elle ne nous touche.

On peut arrêter d'avoir peur, je crois.

Mais arrêter d'être triste, quand est-ce qu'on va y arriver...


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