Cette semaine j'ai vécu de grandes choses.
D'abord suite à une trad j'ai eu drôlement envie d'essayer une coupe menstruelle. C'était à la fois comique et terrifiant. Comique parce que une espèce de soucoupe volante en silicone c'est un truc que j'avais encore pas songé à me mettre dans le vagin. L'idée était plaisante en soi. Mais surtout, la chose a en fait une réelle autonomie (désolée si vous n'avez pas de vagin ça ne va pas vous chauffer la nouille mon histoire, allez lire un article sur les torsions testiculaires en milieu imposé et revenez dans trois paragraphes) et dès qu'elle est introduite dans son milieu naturel elle se tire vers l'inconnu et au-delà.
Ce qui fait que le soir, pour l'enlever, faut enfoncer le bras jusqu'au coude façon vétérinaire vérifiant la position du veau avant la poussée (je sais de quoi je parle, j'en ai vu en vrai). Et la première fois je me suis dit bon sang, elle s'est barrée dans les trompes je vais être siliconnée du follicule mais en fait non, car le col de l'utérus étant une divine invention, il fait barrage.
Invention divine, mais lointaine quand même. Du coup pour choper la coupelle faut quand même être assez souple et ne pas avoir les ongles trop longs (mais aïe). Et une fois qu'on l'atteint non non non, c'est pas fini, faut faire un APPEL D'AIR sinon ça fait ventouse.
(Je vous laisse une minute pour réfléchir aux conséquences d'une traction sur ventouse posée sur le col de l'utérus. Tirez un grand coup, et tout le paquet est livré en une fois. Stérilet? Check. Trompes? Check. Et le bout là c'est quoi? Ovaire gauche à vue de nez.)
Bon en vrai le prolapsus est peu probable (attention dernier appel pour les âmes sensibles, il est encore temps d'aller regarder un épisode de Candy plutôt), mais si on peut pas faire appel d'air parce que ça GLISSE bordel, alors ça sort en explosant.
Oui, voilà, Stephen King dans tes chiottes.
Donc que du bonheur.
Comme j'ai vachement aimé l'expérience, j'ai recommencé tous les jours (et investi dans un karcher).
Au final c'est quand même économique/logique et pratique et bref, j'ai décidé que je gardais le machin jusqu'à la fin de ma vie utérine active.
A la fin de mon cycle j'ai bien fait comme ils disent sur la boîte, je l'ai fait bouillir pour le stériliser.
Et comme je l'ai oubliée dans la casserole, la chose a totalement fondu.
Donc ça, c'est réglé.
Ensuite, je suis allée travailler pendant deux jours dans les locaux de Libé et pour une fois j'aurais pu avoir le journal gratuit mais c'est con, chuis abonnée, ça sert à rien. J'ai traduit des trucs top-secrets, j'avais l'impression d'être une James Bond girl mais pas en maillot de bain, avec vingt kilos de plus et une coupe menstruelle dans la chatte.
Ensuite je suis allée interviewer une dame trans qui en l'espace d'une heure de discussion a réussi à me montrer une fois son soutif et environ douze fois sa petite culotte (quand je dis petite c'est une façon de parler). Elle était charmante, hyper serviable et absolument exhibitionniste. Pour une première interview de ma vie j'étais pas du tout mal à l'aise.
Enfin j'ai failli me faire arnaquer par un potentiel client qui veut me payer une trad de plus de 200 pages en feuillets mais sans les espaces.
(NB: un feuillet c'est 1500 signes espaces comprises. (NNB: oui espace c'est féminin en typo. Ne me remerciez pas c'est cadeau).)
Donc j'hésite entre l'envoyer bouler et faire la trad en lui rendant 200 pages sans le moindre espace. Un seul mot, de 200 pages. Ça ferait un truc dans ce genre-là mais fois des millions:
bonjourjenaimarrequ'onmeprennepourunepoireessaieencoredemarnaqueretjeviensvidermacoupemenstruelledanstonpotàcrayons.
Jmetâte.
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dimanche 28 juin 2015
mardi 3 février 2015
Soyons pros
Cher client,
Toi qui m'as commandé une traduction urgente, très longue, très complexe, très pamacame, à faire en un temps record juste avant noël;
Et toi, qui m'as commandé une traduction vachement intéressante mais absolument pour ce soir, demain dernier carat (9 000 mots. Pour les non-initiés, en boulangerie ça représente 14 567 croissants à enfourner, en boucherie 47 veaux trop mignons à abattre, en musique 24 opéras à composer, en proxénétisme 8 987 putes à racketer),
Et toi là-bas dans le fond qui m'as filé un communiqué de presse à traduire en 24 heures top chrono,
Vous avez vu? I made it.
Par la présente je tiens à vous informer tous les trois que suite à votre non-paiement des diverses factures que je vous ai envoyées en décembre, j'ai tué 56 chatons, vendu deux reins (pas les miens, j'ai fait des mômes c'est pas pour rien) et couché avec la charcutière.
Là je dois aller chez le dentiste et j'ai peur qu'il ne soit pas preneur de ce que j'ai à lui proposer. Ce serait sympa de me donner des sous, il paraît que ça se fait. Ou des coupons alimentaires. Un ticket restaurant? Du savon, pour rester propre et digne?
Oui je sais, j'ai l'audace de demander à être payée pour mon travail, je suis une rebelle.
Une rebelle fatiguée, quand même.
Toi qui m'as commandé une traduction urgente, très longue, très complexe, très pamacame, à faire en un temps record juste avant noël;
Et toi, qui m'as commandé une traduction vachement intéressante mais absolument pour ce soir, demain dernier carat (9 000 mots. Pour les non-initiés, en boulangerie ça représente 14 567 croissants à enfourner, en boucherie 47 veaux trop mignons à abattre, en musique 24 opéras à composer, en proxénétisme 8 987 putes à racketer),
Et toi là-bas dans le fond qui m'as filé un communiqué de presse à traduire en 24 heures top chrono,
Vous avez vu? I made it.
Par la présente je tiens à vous informer tous les trois que suite à votre non-paiement des diverses factures que je vous ai envoyées en décembre, j'ai tué 56 chatons, vendu deux reins (pas les miens, j'ai fait des mômes c'est pas pour rien) et couché avec la charcutière.
Là je dois aller chez le dentiste et j'ai peur qu'il ne soit pas preneur de ce que j'ai à lui proposer. Ce serait sympa de me donner des sous, il paraît que ça se fait. Ou des coupons alimentaires. Un ticket restaurant? Du savon, pour rester propre et digne?
Oui je sais, j'ai l'audace de demander à être payée pour mon travail, je suis une rebelle.
Une rebelle fatiguée, quand même.
dimanche 5 octobre 2014
Du recul, toujours du recul
Je reçois en ce moment des messages venus de très très loin.
Moi qui ne crois en rien, athée convaincue, à peine passée par la case agnostique (et ce très très brièvement, du 10 au 12 janvier 1987 environ), je vois toutes mes certitudes se faire violemment ébranler.
Non, quand on meurt, réduite à l'état de sculpture façon César dans une Mercos ou à la suite d'une bruyante agonie, on ne devient pas juste un petit tas de cendres ou un morceau de chair putréfié enrobant de justesse un tas d'os jaunissant. Nous avons une âme, qui prend son envol à cheval sur notre dernier souffle, part dans un nirvana quelconque badiner avec des chérubins, et surtout, surtout, trouve un spot WiFi pour REVENIR discuter avec les heureux utilisateurs de gmail.
et je le prouve:
Eh oui, vous avez bien lu. Staline ET Lady Di m'ont écrit, à MOI, personnellement.
Staline, qui est donc âgé de 136 printemps (c'est vraiment con qu'il ne m'ait pas envoyé un selfie, je voudrais bien voir sa tête), est non seulement vivant mais il habite en France. Alors on peut dire tout ce qu'on veut sur la politique de gauche, critiquer Hollande, Valls tout ça, faut reconnaître que le fait qu'un dictateur russe de si belle prestance ait choisi notre hexagone pour profiter de sa villégiature post-mortem (alors que mon petit doigt me dit que Poutine l'aurait accueilli à bras ouverts), ça a de la gueule hein.
Quand à son altesse Lady D. , bon, elle est quand même vachement plus prévisible puisque même morte elle continue à vouloir tout déminer, ce qui tend à prouver que les morts sont monomaniaques (je dis ça mais Staline ne m'a pas confirmé dans son mail qu'il avait l'intention de massacrer des opposants par millions, alors sait-on jamais, peut-être est-il passé à autre chose).

C'est cela, oui.
Sinon j'ai lu le livre que Cosette désormais en 4e (elle chausse du 41. Ca n'a rien à voir mais j'aime bien le dire) doit étudier en cours de français. Je suis restée sur le cul d'une part parce que c'est un livre époustouflant (une toute petite nouvelle épistolaire, simple et efficace), parce que je ne l'avais jamais lu (si l'abîme culturel avait un fond j'y serais, comme il n'en a pas je continue de m'y enfoncer) et à cause de son année d'écriture. Je vous résume (SPOILER à mort):
Ça se passe en 1933. Max Eisenstein, célibataire juif, et Martin Schulse, pas juif, marié, plein d'enfants, sont galeristes en Californie. Martin retourne vivre en Allemagne, et reste en contact avec son ami et collègue, par lettre. Outre leur amitié, ils sont liés par le secret d'une ancienne relation amoureuse entre Martin et Griselle, la soeur de Max, juive donc, qui vit en Allemagne.
Au fil de leurs échanges épistolaires, on sent rapidement la situation se tendre, Martin céder aux sirènes nazies, avant d'interdire à Max de lui écrire, pour ne pas nuire à sa situation mais aussi par conviction antisémite. Max demande tout de même à Martin de protéger sa soeur Griselle, dont il n'a plus de nouvelles: la dernière lettre qu'il lui a adressée lui est revenue arborant la mention: inconnu à cette adresse. Quand Griselle, aux abois, se présente au domicile de Martin, ce dernier lui ferme la porte au nez, la livrant de ce fait aux nazis qui l'exécutent sur le champ.
Martin relate à Max ce lynchage dans un récit lapidaire et hautain. C'est alors que Max commence à envoyer à Martin des lettres visiblement codées, dont le contenu laisse entendre que Martin aide des juifs à s'échapper d'Allemagne afin de les soustraire à la répression nazie. Le code est grossier, sous couvert de "livraison" de peintures, pinceaux et autres matériels en relation avec la galerie, il apparaît évident que leur destinataire se livre à un trafic pour sauver des juifs, ce que viennent confirmer les quelques mots d'encouragement à la fin de chaque missive.
Martin écrit alors une lettre désespérée à Max en lui demandant d'arrêter de lui adresser ce genre de lettres, qui lui ont valu de perdre sa place, professionnellement et socialement, et d'avoir été interrogé par les autorités nazies.
Max continuera d'écrire. Sa dernière lettre lui reviendra, portant la mention: "inconnu à cette adresse." On ne saura pas, mais on se doute de ce qu'il est advenu de son ancien ami. La vengeance est consommée.
Cette nouvelle est magistralement écrite (et traduite), brève, simple, efficace, sans fioritures, et en elle-même c'est une belle œuvre littéraire. Avec le recul c'est une illustration effrayante de ce qu'allaient subir l'Europe et le reste du monde pendant les 6 années de guerre, de cette mise à nu de l'âme humaine qui allait en sublimer certains et en plonger d'autres, irrémédiablement, dans les bas-fonds de l'humanité.
Avec le recul, oui. Mais cette nouvelle date de 1938. Vous savez, à l'époque où on ne pouvait pas savoir....on ne savait pas...enfin pas grand-chose....enfin peut-être un peu mais....
Elle s'appelle (tadaaa) "Inconnu à cette adresse" et a été écrite (en mille neuf-cent trente-huit, donc, oui j'insiste, oui) par l'américaine Kressmann Taylor.
Comme disait Desproges, étonnisch, nein?
Moi qui ne crois en rien, athée convaincue, à peine passée par la case agnostique (et ce très très brièvement, du 10 au 12 janvier 1987 environ), je vois toutes mes certitudes se faire violemment ébranler.
Non, quand on meurt, réduite à l'état de sculpture façon César dans une Mercos ou à la suite d'une bruyante agonie, on ne devient pas juste un petit tas de cendres ou un morceau de chair putréfié enrobant de justesse un tas d'os jaunissant. Nous avons une âme, qui prend son envol à cheval sur notre dernier souffle, part dans un nirvana quelconque badiner avec des chérubins, et surtout, surtout, trouve un spot WiFi pour REVENIR discuter avec les heureux utilisateurs de gmail.
et je le prouve:
Eh oui, vous avez bien lu. Staline ET Lady Di m'ont écrit, à MOI, personnellement.
Staline, qui est donc âgé de 136 printemps (c'est vraiment con qu'il ne m'ait pas envoyé un selfie, je voudrais bien voir sa tête), est non seulement vivant mais il habite en France. Alors on peut dire tout ce qu'on veut sur la politique de gauche, critiquer Hollande, Valls tout ça, faut reconnaître que le fait qu'un dictateur russe de si belle prestance ait choisi notre hexagone pour profiter de sa villégiature post-mortem (alors que mon petit doigt me dit que Poutine l'aurait accueilli à bras ouverts), ça a de la gueule hein.
Quand à son altesse Lady D. , bon, elle est quand même vachement plus prévisible puisque même morte elle continue à vouloir tout déminer, ce qui tend à prouver que les morts sont monomaniaques (je dis ça mais Staline ne m'a pas confirmé dans son mail qu'il avait l'intention de massacrer des opposants par millions, alors sait-on jamais, peut-être est-il passé à autre chose).
C'est cela, oui.
Sinon j'ai lu le livre que Cosette désormais en 4e (elle chausse du 41. Ca n'a rien à voir mais j'aime bien le dire) doit étudier en cours de français. Je suis restée sur le cul d'une part parce que c'est un livre époustouflant (une toute petite nouvelle épistolaire, simple et efficace), parce que je ne l'avais jamais lu (si l'abîme culturel avait un fond j'y serais, comme il n'en a pas je continue de m'y enfoncer) et à cause de son année d'écriture. Je vous résume (SPOILER à mort):
Ça se passe en 1933. Max Eisenstein, célibataire juif, et Martin Schulse, pas juif, marié, plein d'enfants, sont galeristes en Californie. Martin retourne vivre en Allemagne, et reste en contact avec son ami et collègue, par lettre. Outre leur amitié, ils sont liés par le secret d'une ancienne relation amoureuse entre Martin et Griselle, la soeur de Max, juive donc, qui vit en Allemagne.
Au fil de leurs échanges épistolaires, on sent rapidement la situation se tendre, Martin céder aux sirènes nazies, avant d'interdire à Max de lui écrire, pour ne pas nuire à sa situation mais aussi par conviction antisémite. Max demande tout de même à Martin de protéger sa soeur Griselle, dont il n'a plus de nouvelles: la dernière lettre qu'il lui a adressée lui est revenue arborant la mention: inconnu à cette adresse. Quand Griselle, aux abois, se présente au domicile de Martin, ce dernier lui ferme la porte au nez, la livrant de ce fait aux nazis qui l'exécutent sur le champ.
Martin relate à Max ce lynchage dans un récit lapidaire et hautain. C'est alors que Max commence à envoyer à Martin des lettres visiblement codées, dont le contenu laisse entendre que Martin aide des juifs à s'échapper d'Allemagne afin de les soustraire à la répression nazie. Le code est grossier, sous couvert de "livraison" de peintures, pinceaux et autres matériels en relation avec la galerie, il apparaît évident que leur destinataire se livre à un trafic pour sauver des juifs, ce que viennent confirmer les quelques mots d'encouragement à la fin de chaque missive.
Martin écrit alors une lettre désespérée à Max en lui demandant d'arrêter de lui adresser ce genre de lettres, qui lui ont valu de perdre sa place, professionnellement et socialement, et d'avoir été interrogé par les autorités nazies.
Max continuera d'écrire. Sa dernière lettre lui reviendra, portant la mention: "inconnu à cette adresse." On ne saura pas, mais on se doute de ce qu'il est advenu de son ancien ami. La vengeance est consommée.
Cette nouvelle est magistralement écrite (et traduite), brève, simple, efficace, sans fioritures, et en elle-même c'est une belle œuvre littéraire. Avec le recul c'est une illustration effrayante de ce qu'allaient subir l'Europe et le reste du monde pendant les 6 années de guerre, de cette mise à nu de l'âme humaine qui allait en sublimer certains et en plonger d'autres, irrémédiablement, dans les bas-fonds de l'humanité.
Avec le recul, oui. Mais cette nouvelle date de 1938. Vous savez, à l'époque où on ne pouvait pas savoir....on ne savait pas...enfin pas grand-chose....enfin peut-être un peu mais....
Elle s'appelle (tadaaa) "Inconnu à cette adresse" et a été écrite (en mille neuf-cent trente-huit, donc, oui j'insiste, oui) par l'américaine Kressmann Taylor.
Comme disait Desproges, étonnisch, nein?
jeudi 17 avril 2014
Les yeux rouges des traducteurs
Je dois battre ma coulpe à l'endroit du café Lomi à qui j'ai fait une vilaine pub dans mon post précédent (non que cela ait pu influer en rien sur sa clientèle, mais bon il me reste un vieux fond d'honnêteté intellectuelle dont je n'arrive pas à me débarrasser). Faute de pouvoir y travailler sur un projet duraille, j'y avais écrit un article pour Slate qui m'a valu les félicitations unanimes de ma fille (12 ans), d'un vague ex indécis et de deux ou trois traducteurs. La gloire. Il ne me restait plus que l'amour et la beauté et j'étais prête à aller pointer chez TF1. Forte de ces louanges je suis allée fêter ça dignement en achetant de quoi faire ripailles en famille, et j'ai été fort étonnée de constater que non seulement ma charcutière ne me demandait pas d'autographe, mais qu'en plus elle me faisait quand même payer les rillettes.
Il s'agissait de traduction, et du triste (non) statut social de ceux qui s'y adonnent de façon professionnelle. Le jour même de sa parution, j'ai reçu un mail du service traduction d'Amnesty International, m'expliquant qu'ils avaient bien reçu mon CV mais qu'il ne travaillaient "que sur la base du bénévolat". Ben voyons. Le lendemain, la même dame m'a réécrit qu'au fait, elle avait lu mon article et que comme j'écrivais bien! C'est chouette, je vais pouvoir mourir de faim auréolée de gloire bénévole, et comme je vis même pas dans un pays en guerre, j'aurai même pas droit dans mon agonie à un regard de la part des bénévoles d'Amnesty International. Passons.
Dans la même veine je suis allée voir "Les yeux jaunes des crocodiles" qui est un film tiré d'un livre à succès que je n'avais pas lu. C'est un joyeux mélange de vraie réflexion sur les relations soeur qui phagocyte/soeur cruche qui se fait avoir et de niaiseries sentimentalo-familales. Dans cette histoire, l'héroïne (la cruche) est une chercheuse au CNRS, spécialiste du XIIe siècle. Elle a aussi un diplôme (maîtrise ou DESS je sais plus) en anglais-russe-italien (ou anglais-ouzbèke-haut latin, à ce niveau de diplôme Bisounours c'est même plus important). Donc son beau-frère (Patrick Bruel) lui propose comme ça, entre la poire et le fromage, de faire des traductions pour son cabinet d'avocat. Car parler anglais et maîtriser les arcanes de la chevalerie périgourdine au haut-Moyen-âge c'est juste ce qu'il faut pour traduire un dossier juridique un peu pointu en 2014. Alors soit.
La cruche s'exécute et vient remettre sa traduction sous forme de FEUILLES DE PAPIER dans un gros dossier sur le bureau de Patrick Bruel.
Alors là deux solutions possibles: soit Julie Depardieu est comme moi, c'est-à-dire amoureuse de Patrick Bruel, et elle a par contrat exigé de tourner le plus de scènes possibles avec lui en se disant qu'à force il allait la remarquer (et je peux la comprendre), soit la réalisatrice habite en 1978 dans sa tête et ne connaît pas Internet.
Après ya aussi l'excuse que la Julie-médiéviste-cruche-traductrice n'a pas d'ordinateur, et que donc, elle a sûrement dû tout taper à la machine. (Attendez, je vais boire un grand verre de cigüe et je reviens).
Allez c'est pas grave. Ce qui était vraiment sympa c'est que du coup, la cruche elle se voit proposer la traduction d'un bouquin ("ça ne vous fait pas peur de traduire un livre?"), qu'elle expédie en deux coups de cuillère à pot et hop, à peine le chèque touché (évidemment elle touche le chèque en une fois genre le jour de remise du tapuscrit, qu'elle a sûrement écrit en hiéroglyphe à l'encre de Chine) elle court dévaliser Fauchon (vous reprendrez bien un petit verre de Destop?)
(À titre de comparaison, j'attends toujours le micro-chèque d'une maison d'édition pour qui j'ai traduit un livre pour enfants en -- restez assis -- février, maison dont je ne divulguerai pas le nom mais ça commence par Galli et ça finit par mard, mais peut-être que j'aurais dû aller leur porter en main propre le livre relié à la main en peau de chèvre et enluminé par de chastes nonnes du XIIe siècle au lieu d'envoyer le boulot par mail?)
Mais je ne suis pas si rancunière puisque le simple fait que Patriiiiick dise en gros plan "Tiens elle est pas venue finalement Bérengère?" m'a réconciliée avec toutes les approximations du film. (Devinez comment je m'appelle). Je suis futile.
Il s'agissait de traduction, et du triste (non) statut social de ceux qui s'y adonnent de façon professionnelle. Le jour même de sa parution, j'ai reçu un mail du service traduction d'Amnesty International, m'expliquant qu'ils avaient bien reçu mon CV mais qu'il ne travaillaient "que sur la base du bénévolat". Ben voyons. Le lendemain, la même dame m'a réécrit qu'au fait, elle avait lu mon article et que comme j'écrivais bien! C'est chouette, je vais pouvoir mourir de faim auréolée de gloire bénévole, et comme je vis même pas dans un pays en guerre, j'aurai même pas droit dans mon agonie à un regard de la part des bénévoles d'Amnesty International. Passons.
Dans la même veine je suis allée voir "Les yeux jaunes des crocodiles" qui est un film tiré d'un livre à succès que je n'avais pas lu. C'est un joyeux mélange de vraie réflexion sur les relations soeur qui phagocyte/soeur cruche qui se fait avoir et de niaiseries sentimentalo-familales. Dans cette histoire, l'héroïne (la cruche) est une chercheuse au CNRS, spécialiste du XIIe siècle. Elle a aussi un diplôme (maîtrise ou DESS je sais plus) en anglais-russe-italien (ou anglais-ouzbèke-haut latin, à ce niveau de diplôme Bisounours c'est même plus important). Donc son beau-frère (Patrick Bruel) lui propose comme ça, entre la poire et le fromage, de faire des traductions pour son cabinet d'avocat. Car parler anglais et maîtriser les arcanes de la chevalerie périgourdine au haut-Moyen-âge c'est juste ce qu'il faut pour traduire un dossier juridique un peu pointu en 2014. Alors soit.
La cruche s'exécute et vient remettre sa traduction sous forme de FEUILLES DE PAPIER dans un gros dossier sur le bureau de Patrick Bruel.
Alors là deux solutions possibles: soit Julie Depardieu est comme moi, c'est-à-dire amoureuse de Patrick Bruel, et elle a par contrat exigé de tourner le plus de scènes possibles avec lui en se disant qu'à force il allait la remarquer (et je peux la comprendre), soit la réalisatrice habite en 1978 dans sa tête et ne connaît pas Internet.
Après ya aussi l'excuse que la Julie-médiéviste-cruche-traductrice n'a pas d'ordinateur, et que donc, elle a sûrement dû tout taper à la machine. (Attendez, je vais boire un grand verre de cigüe et je reviens).
Allez c'est pas grave. Ce qui était vraiment sympa c'est que du coup, la cruche elle se voit proposer la traduction d'un bouquin ("ça ne vous fait pas peur de traduire un livre?"), qu'elle expédie en deux coups de cuillère à pot et hop, à peine le chèque touché (évidemment elle touche le chèque en une fois genre le jour de remise du tapuscrit, qu'elle a sûrement écrit en hiéroglyphe à l'encre de Chine) elle court dévaliser Fauchon (vous reprendrez bien un petit verre de Destop?)
(À titre de comparaison, j'attends toujours le micro-chèque d'une maison d'édition pour qui j'ai traduit un livre pour enfants en -- restez assis -- février, maison dont je ne divulguerai pas le nom mais ça commence par Galli et ça finit par mard, mais peut-être que j'aurais dû aller leur porter en main propre le livre relié à la main en peau de chèvre et enluminé par de chastes nonnes du XIIe siècle au lieu d'envoyer le boulot par mail?)
Mais je ne suis pas si rancunière puisque le simple fait que Patriiiiick dise en gros plan "Tiens elle est pas venue finalement Bérengère?" m'a réconciliée avec toutes les approximations du film. (Devinez comment je m'appelle). Je suis futile.
samedi 15 mars 2014
Non-pub et trad
Aujourd'hui j'ai voulu faire ma parisienne branchée de gauche et aller bosser au café. Pour écrire de vrais trucs qui font mal à la tête, des trucs sérieux qui demandent que je me plonge à l'intérieur de moi-même sans que le chat, le canapé, Breaking Bad ou autre inférence intempestive ne me donne un prétexte trop facile pour me livrer à la procrastination (le simple fait que je puisse utiliser ce mot me propulse automatiquement dans la catégorie bobo qui se la pète, je sais. J'assume).
Ca faisait un moment que j'avais envie d'aller dans un café qui était apparu dans une de mes traductions, et dont la description avait fait baver d'envie l'accro à la caféine qui vit ma vie à ma place.
J'ai donc traversé tout mon arrondissement (qui est vachement grand) à pied (qui sont vachement grands aussi mais ça fait pas avancer plus vite hélas), ordi sous le bras (c'est lourd) et vaguement inquiète à l'idée d'avoir laissé mon inspiration à la maison (où elle regarde peut-être le rugby avec mon fils) et je suis allée au café Lomi. Je m'attendais je ne sais pourquoi à une ambiance un peu intello, beaucoup bobo, tranquilou bilou, peut-être quelques familles à jeunes zenfants venues écluser leur samedi après-midi en buvant un moka cher avant d'aller voir un groupe indé au 104, le tout baignant dans de divins effluves de café.
En fait c'est pas du tout ça. C'est une espèce de cantine certes maxi-bobo avec quelques petites tables prises d'assaut et une grande où sont installés des accros à la tablette ou au mac, le moka est à 5 euros 50 (PUTAIN!) et la bande son est infâme. Ce qui ne serait pas si grave si elle n'était pas si forte. A fond en fait. C'est un genre de rap (je déteste le rap. Je trouve que c'est une mauvaise excuse utilisée par des non-chanteurs qui se roulent dans la joie enfantine de dire des gros mots que maman ne veut pas entendre à la maison) très TRÈS TRÈS FORT. Naturellement, on ne s'entend pas parler, du coup les clients sont obligés de crier. J'ai regretté tout de suite de m'être assise mais je n'ai aucun courage social et les serveurs sont hélas d'une grande rapidité. J'ai donc commandé un moka (qui est bof) et j'ai demandé au serveur prépubère venu me l'apporter si la bande son allait baisser un peu de volume à un moment?
Excuse me, do you speak English? Il m'a répondu. Demande plutôt cocasse entre Marcadet-Poissonnier et Marx Dormoy, vous en conviendrez. Il se trouve que yes I do, j'ai donc réitéré en anglais, et il m'a répondu que non non, on n'allait pas baisser le son pour un petit moment.
Je n'ai donc aucun espoir de travailler (là ya de la corne de brume dans la chanson, ok je le concède, les rappeurs ont de l'idée). Mon cerveau a commencé à saigner, mes oreilles pleurent des larmes de cire, mon estomac proteste contre le moka qu'il hésite à renvoyer en cuisine, bref j'étais en forme ya vingt minutes et là j'ai l'impression de sortir d'un concert de Sexion d'Assaut--ou plutôt de ne pas réussir à en sortir.
Sinon cette semaine je me suis renseignée sur les tarifs des agences de traduction. Ca fait déjà quelques années que j'ai compris que j'avais pas du tout pris la route du bonheur financier dans le choix de ma carrière, mais là je crois j'ai touché le fond de la fange du n'importe quoi esclavagiste. J'ai découvert des boîtes de trad qui proposent de payer rien moins que UN centime le mot (pour les non-initiés, en-deçà de 10 centimes le mot on peut commencer à parler de vol. Du traducteur, s'entend....). Sachant qu'un traducteur pro qui ne compte pas ses heures traduit en moyenne 2000 mots par jour, ça permet de gagner 20 euros la journée quand même. Soit 100 euros par semaine, ou 400 euros (et des brouettes!) par mois. Ma foi c'est bien honnête pour des journées de huit heures et des bac + 5....
(Ah, et c'est du brut, hein, évidemment. Hahaha. Achevez-moi).
J'imagine que ces boîtes proposent 1 centime le mot parce qu'elles ne peuvent pas payer moins? Un petit coup de main alors: pourquoi pas 1 centime les cinq mots? Pourquoi pas payer en cacahouètes directement?
Ca faisait un moment que j'avais envie d'aller dans un café qui était apparu dans une de mes traductions, et dont la description avait fait baver d'envie l'accro à la caféine qui vit ma vie à ma place.
J'ai donc traversé tout mon arrondissement (qui est vachement grand) à pied (qui sont vachement grands aussi mais ça fait pas avancer plus vite hélas), ordi sous le bras (c'est lourd) et vaguement inquiète à l'idée d'avoir laissé mon inspiration à la maison (où elle regarde peut-être le rugby avec mon fils) et je suis allée au café Lomi. Je m'attendais je ne sais pourquoi à une ambiance un peu intello, beaucoup bobo, tranquilou bilou, peut-être quelques familles à jeunes zenfants venues écluser leur samedi après-midi en buvant un moka cher avant d'aller voir un groupe indé au 104, le tout baignant dans de divins effluves de café.
En fait c'est pas du tout ça. C'est une espèce de cantine certes maxi-bobo avec quelques petites tables prises d'assaut et une grande où sont installés des accros à la tablette ou au mac, le moka est à 5 euros 50 (PUTAIN!) et la bande son est infâme. Ce qui ne serait pas si grave si elle n'était pas si forte. A fond en fait. C'est un genre de rap (je déteste le rap. Je trouve que c'est une mauvaise excuse utilisée par des non-chanteurs qui se roulent dans la joie enfantine de dire des gros mots que maman ne veut pas entendre à la maison) très TRÈS TRÈS FORT. Naturellement, on ne s'entend pas parler, du coup les clients sont obligés de crier. J'ai regretté tout de suite de m'être assise mais je n'ai aucun courage social et les serveurs sont hélas d'une grande rapidité. J'ai donc commandé un moka (qui est bof) et j'ai demandé au serveur prépubère venu me l'apporter si la bande son allait baisser un peu de volume à un moment?
Excuse me, do you speak English? Il m'a répondu. Demande plutôt cocasse entre Marcadet-Poissonnier et Marx Dormoy, vous en conviendrez. Il se trouve que yes I do, j'ai donc réitéré en anglais, et il m'a répondu que non non, on n'allait pas baisser le son pour un petit moment.
Je n'ai donc aucun espoir de travailler (là ya de la corne de brume dans la chanson, ok je le concède, les rappeurs ont de l'idée). Mon cerveau a commencé à saigner, mes oreilles pleurent des larmes de cire, mon estomac proteste contre le moka qu'il hésite à renvoyer en cuisine, bref j'étais en forme ya vingt minutes et là j'ai l'impression de sortir d'un concert de Sexion d'Assaut--ou plutôt de ne pas réussir à en sortir.
Sinon cette semaine je me suis renseignée sur les tarifs des agences de traduction. Ca fait déjà quelques années que j'ai compris que j'avais pas du tout pris la route du bonheur financier dans le choix de ma carrière, mais là je crois j'ai touché le fond de la fange du n'importe quoi esclavagiste. J'ai découvert des boîtes de trad qui proposent de payer rien moins que UN centime le mot (pour les non-initiés, en-deçà de 10 centimes le mot on peut commencer à parler de vol. Du traducteur, s'entend....). Sachant qu'un traducteur pro qui ne compte pas ses heures traduit en moyenne 2000 mots par jour, ça permet de gagner 20 euros la journée quand même. Soit 100 euros par semaine, ou 400 euros (et des brouettes!) par mois. Ma foi c'est bien honnête pour des journées de huit heures et des bac + 5....
(Ah, et c'est du brut, hein, évidemment. Hahaha. Achevez-moi).
J'imagine que ces boîtes proposent 1 centime le mot parce qu'elles ne peuvent pas payer moins? Un petit coup de main alors: pourquoi pas 1 centime les cinq mots? Pourquoi pas payer en cacahouètes directement?
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