mercredi 27 mai 2015

Chante et tais-toi

J'ai tenté une nouvelle chorale (dans celle d'avant je ne faisais pas le poids, quand le corps râle faut se faire une raison. Surtout quand c'est le mien).

Tout bien sur le papier: quasiment à proximité, répètes les jours idoines, répertoire hispano-russo-basque, un chef de choeur presque neuf et, cerise sur le gaspacho, une bouffe bien arrosée au moins une fois par mois après les vocalises.

Quand je suis arrivée ils n'étaient que cinq et ils étaient tous mâles. En entrant j'ai entendu comme des borborygmes: c'était leur reste de testostérone qui tentait quelques bulles, avant de retomber car c'était l'heure de la sieste.

Ils avaient tous cent ans.

Qu'importe me dis-je, je ne suis pas gérontophobe, on est tous le vieux de quelqu'un, j'ai beau être insensible au charme du papy qui se ratisse les quatre mèches qui lui restent en travers de l'occiput pour faire croire qu'il y a encore du monde, si ça se trouve il chante comme un dieu et je ne vais plus vouloir repartir.

Quand l'effectif fut au complet, trois dames nous avaient rejoints, dont une, au sourire angélique et aux yeux pétillants, devait être la grand-mère de Jane Calment.

Elle m'expliqua avec douceur qu'ici on était bien traitées, nous les dames, car on n'était pas nombreuses et que les hommes étaient bien galants et aux petits soins (miam). Ce qui un instant m'a laissé penser que chez elle, ça n'avait dû être le cas tous les jours.

Le chef de choeur, un bébé d'une trentaine d'années, nous fit chanter du basque à gorge déployée, le petit jeune de la bande (mon âge et quelques) dont l'étonnante tessiture m'accompagnait dans les aigus s'étant placé à côté de moi pour que je suive, et c'était bien.

(Quand même je jetais régulièrement des regards inquiets vers ma voisine, l'unique autre soprano, qui tanguait dangereusement à chaque projection vocale. Elle tenait bravement le coup.)

Ensuite on m'expliqua que pour les dîners, les femmes faisaient à manger et que les hommes apportaient à boire.

Enfin quand j'ai voulu ranger des chaises on s'interposa: il y avait des hommes pour ça. Quand j'ai répliqué que j'étais une femme moderne et que ça me donnait le droit de soulever une chaise ou deux (surtout étant donné que ma masse musculaire pourtant assez indigente dépassait de loin celle du papy suant qui tentait de défendre sa position de mâle dominant), j'ai eu l'impression d'avoir dit que non de dieu de bordel de bite tire-toi de mon chemin ou je te fais bouffer tes couilles (je vous jure que c'est pas DU TOUT ce que j'ai dit).

Moi qui croyais avoir fait une incursion dans le XVIe arrondissement, en fait je venais de m'égarer dans les années 1950.

J'ai donc pris congé de cette charmante compagnie bien décidée à ne pas y remettre les cordes vocales. Sans rancune, hein, car ils étaient tous absolument charmants et indubitablement fossilisés dans des coutumes d'un autre âge, d'une autre vie, que je ne connais que trop bien et que je n'ai de cesse de fuir. Celles qui veulent qu'une femme soit à la fois une petite chose charmante, fragile et douée pour la popote, cette mentalité rance qui prend le prétexte de la protection des unes par les autres pour les soumettre, se soustraire à toute empathie (ma femme n'a pas eu tellement mal en accouchant!!!), et ne surtout pas leur laisser la parole.

Bref j'ai bien rigolé et je suis retournée compulser les petites annonces de chorales qui cherchent des choristes.

J'en ai trouvé une de lesbiennes. A suivre.












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