vendredi 1 mai 2015

Sous tifs

Il y a des gens qui voient profondément en vous, tout de suite, et qui comprennent un tas de choses sans que vous ayez besoin de les leur dire.

Mon toubib il est comme ça.

Quand je suis arrivée dans son cabinet, j'ai à peine eu le temps de lui serrer la main qu'il me disait déjà "il y quelque chose qui a changé chez vous. Quelque chose de positif."

Il n'a pas mis très longtemps à me tirer les vers du nez--moi je ne demande que ça, j'aime bien ça fait son ptit effet quand je laisse tomber le voile. Vu que je traite le plus souvent avec des gens assez évolués, ils ne sont pas choqués, non, mais surpris, oui. J'ai levé les yeux vers lui.

Je lui ai expliqué.
Je me suis découverte.

Et déshabillée (c'est un toubib je vous rappelle, je suis là pour ça). (Et puis il n'est pas mal ça gâche rien...)
Ca n'a pas raté, il a écarquillé les yeux un millième de seconde, et hop il s'est repris, et il a soupiré "moi aussi j'y pense j'aimerais bien, je me dis que tout serait plus simple. Mais je ne me vois pas du tout le faire."

Ces mots-là étaient dans ma bouche il n'y a pas un an, et aujourd'hui je suis une autre. Je suis passée de l'autre côté non pas parce que je le voulais, mais parce que j'y étais déjà et je ne le savais pas. Simplement je ne pouvais pas y arriver toute seule. Il fallait que quelqu'un vienne me chercher, me montre que j'avais ça en moi, me pousse à le faire. J'avais besoin de lire dans les yeux d'une autre que j'étais, aussi, faite pour ça.

Et ce n'est pas le bouleversement qu'on croit. Ca ne remet pas tout en question. Ce n'est pas compliqué. On n'en sort pas différente: on découvre et on montre simplement une autre facette de soi. Celle qui attendait tranquille en se disant "un jour mon tour viendra et je m'avancerai sur la scène pour jouer mon rôle, moi aussi."

Et si c'est encore rare, si souvent on le cache avec perruques, foulards et maquillage de théâtre, si l'assumer n'est pas une mince affaire même devant ceux qu'on aime ou qu'on croit aimer, c'est là, c'est possible de vivre aussi comme ça. Même si c'est trop loin de la norme pour être vraiment confortable. Puisqu'évidemment, il y a un bon paquet de gens qui ne comprendront pas.

Et ça ouvre des horizons tellement plus vastes. On ne regarde pas les autres filles pareil dans la rue. On a l'impression (mais est-ce que ce n'est pas une réalité?) que les hommes nous regardent différemment. A la fois curieux, vaguement mal à l'aise, mais très intéressés.  Ca se remarque tant que ça?

Et on peut choisir de ne pas y penser. De le mettre en latence. De ne pas en faire une obsession, de se le garder pour plus tard, ou de se dire qu'un jour on se lancera, et peut-être que ça n'arrivera jamais, mais de ne pas se l'interdire. De ne pas le vivre comme quelque chose de subi, mais comme un cadeau qui nous permet une seconde naissance--l'expérience et l'âge en plus. Supporter le regard curieux des autres c'est tellement plus facile à 40 ans qu'à 15.

Bref, je me suis rasé la tête.

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