mardi 28 septembre 2010

C'est pas très gentil de se moquer...

Depuis février dernier, des ouvriers avides d'insertion se sont attaqués à la lourde tâche de décarreler les halls d'entrée des trois immeubles qui forment notre joyeuse cité, pour recarreler en plus moche. Enfin, chacun ses goûts, mais nul ne peut nier que l'intention soit louable, puisqu'il s'agit d'améliorer notre cadre de vie tout en occupant sainement des jeunes pour (presque) pas un rond, tout en recyclant des invendus de carreaux couleur vomi.
Donc avant, en entrant dans notre petit paradis urbain, on voyait ça:



Maintenant, on a la chance de voir ça (enfin là où c'est fini, parce que c'est loiiiin d'être terminé):



(remarquez la jolie frise carreaux-cassés, c'est les grumeaux), décor qui m'a valu l'autre jour d'entendre une mamie à cabas s'exclamer avec une indignation mêlée de découragement "TOUT est moche ici!" en entrant dans le hall.

Et comme Paris-Habitat a un goût de l'esthétique qui confine à la perfection, et qu'il n'est pas question que nous ne jugions pas à leur juste valeur les efforts et l'argent investis dans la déco, on a même un échantillon avant/après, pour bien se souvenir comme on a de la chance d'habiter là:






J'en profite pour lancer un appel: cela fait aujourd'hui plus de 25 jours que l'ascenseur de gauche est en panne. Les gens coincés dedans vont finir par s'agacer.

mercredi 22 septembre 2010

La bête immonde

Avant j'aimais la nuit. La sensation de solitude peuplée que seule peut procurer la ville, le retour sur soi après une journée de côte-à-côte, la sensation de préparer doucement son corps et son esprit au repos qui permettra, demain, de recommencer une journée comme on recommence sa vie. J'aimais me blottir dans un livre et avoir la liberté silencieuse de choisir de m'en extirper, le temps d'une parenthèse tilleul-menthe (un sucre). J'aimais, dans le noir, parcourir le couloir et aller sentir les cheveux des enfants qui dorment et qui transpirent cette odeur si particulière de rêve. J'aimais sortir, arpenter la ville en veille aux allures de décor de cinoche, entendre mon pas résonner ou sentir le trottoir sous mon pied souvent nu, et rentrer digérer mes songeries au fond d'un lit protecteur.
J'aimais décider, à deux heures du matin, que l'heure était venue de sortir la cire et la pince, et m'épiler à l'orientale parce que bon, là, maintenant, j'ai envie.
J'aimais m'allonger par terre et regarder le dessin des ombres projetées par la flamme trémoussante d'une bougie. J'aimais prendre un papier et un crayon et écrire des conneries géniales qui paraîtraient d'une déconcertante puérilité le lendemain matin.

Et aujourd'hui, avec ces saloperies de bestioles, qui sont là, qui me guettent, qui se jettent entre mes pieds si je me lève trop tôt, et dont j'entends le chant de victoire à présent que les nuits rallongent et que mes jours raccourcissent, qui savent que l'appartement, l'immeuble, la cité sont à elles, la nuit, j'ai une boule qui me serre la gorge à mesure que l'obscurité gagne, j'allume frénétiquement toutes les lumières de la maison, et j'ai envie de me barricader hors de chez moi. Je lis en croyant voir passer, du coin de l'oeil, des cafards sur la table de nuit. Je me réveille en sursaut, persuadée qu'ils courent sur ma joue. Et je n'ose plus sortir, de peur de ne pas avoir le courage de rentrer.

Et sur l'écran noir de mes nuits blanches, comme disait Claude, c'est ce genre de cinéma que je me fais:




(Oui, je crains qu'une bête ait été blessée pendant le tournage, et précisons qu'il a fallu une bonne trentaine de pulvérisations de spray "Kapo" (ce nom est rigoureusement authentique, et comment peut-on appeler un insecticide comme ça sans avoir mille procès sur le dos je sais pas) avant de parvenir à neutraliser ce cloporte qui semble le produit d'un croisement entre un cafard et un mammouth).

Je tiens aussi à souligner qu'une fois la créature totalement décédée, il m'a fallu sniffer du kapo pour avoir le courage de la balancer par la fenêtre. Car elle était trop grosse pour passer par le trou de l'évier.

dimanche 5 septembre 2010

Comment reconnaître un cafard

Comment reconnaître un cafard?

S'il marche sur ses pattes de derrière, s'il vous regarde avec de grands yeux vides et vous envoie six mois après le passage des peintres et du dernier coup de rouleau une lettre d'une grande dignité expliquant que Madame, si vous ne laissez pas les ouvriers avoir accès à votre appartement, les travaux ne seront jamais effectués, ce n'est pas un cafard. C'est le gérant.

S'il se déplace les yeux aux sols et vous ouvre la porte de l'ascenseur avec flagornerie et l'air gêné, et vous répond "pas parle français" quand vous lui dites que son tuyau dégouline depuis huit mois dans votre cuisine, ce n'est pas un cafard. C'est le voisin du dessus.

Si elle vous regarde avec un grand sourire et vous félicite sur la beauté de vos mômes dans l'ascenseur, en ajoutant "ils sont bien blonds et ils ont les yeux bien bleus, ça fait du bien de voir ça," ce n'est pas un cafard, c'est pire. Même l'insecticide n'y pourra rien. Mais dans le doute, on peut taper. Pour qu'elle s'écrase.

S'il vous dit d'un air innocent, affairé et enjoué "ah bon? Vous n'avez toujours pas de trappe chez vous?/les désinsectiseurs ne sont pas passés?/ya plus de lumière dans votre couloir?/ils ont dit qu'ils allaient réparer l'ascenseur/je suis aux poubelles" ce n'est pas un cafard, c'est le gardien.

Si elle est assise dans une chaise roulante, maquillée comme une voiture volée, qu'elle vous traite de morue parce que vous n'avez pas de clopes à lui donner, et qu'elle vous salue comme sa meilleure amie cinq minutes après, ce n'est pas un cafard, c'est Ginette. Ginette est un rayon de soleil (un jour je la prendrai en photo, promis).

S'il a quatre pattes, des poils, vomit sur le tapis, chie sur le lino, réclame à manger toute la journée, défèque des étrons décorés au bolduc et mange vos cheveux à 6heures du matin, ce n'est pas un cafard, c'est le chat.

S'il est tout froid, tout raide, tout vert, tout mort et les pattes en l'air, ce n'est pas un cafard, c'est un iguane dans mon ascenseur.

S'il répond à toutes vos lettres, quel qu'en soit le contenu, par une lettre-type impersonnelle et à côté de la plaque, avec le scan de la signature de Monsieur le responsable/le maire/l'adjoint/le pape, ce n'est pas un cafard, c'est l'employé de mairie qui a ouvert/jeté mon courrier.

Si elle a les nerfs en pelote, les cheveux en pétard, le palpitant à rude épreuve, le moral dans les chaussettes et une tablette de chocolat dans le tiroir, ce n'est pas un cafard, c'est moi.

Alors bon comment reconnaître un cafard?

A suivre...