jeudi 28 mai 2015

Ça va être ta fête



"Donnez un coup de pelle à vos mômes pour leur apprendre à vous confondre avec la bonne."


En vous remerciant.


(Message sponsorisé par le comité de défense de l'avortement jusqu'au quatorzième mois).

mercredi 27 mai 2015

Chante et tais-toi

J'ai tenté une nouvelle chorale (dans celle d'avant je ne faisais pas le poids, quand le corps râle faut se faire une raison. Surtout quand c'est le mien).

Tout bien sur le papier: quasiment à proximité, répètes les jours idoines, répertoire hispano-russo-basque, un chef de choeur presque neuf et, cerise sur le gaspacho, une bouffe bien arrosée au moins une fois par mois après les vocalises.

Quand je suis arrivée ils n'étaient que cinq et ils étaient tous mâles. En entrant j'ai entendu comme des borborygmes: c'était leur reste de testostérone qui tentait quelques bulles, avant de retomber car c'était l'heure de la sieste.

Ils avaient tous cent ans.

Qu'importe me dis-je, je ne suis pas gérontophobe, on est tous le vieux de quelqu'un, j'ai beau être insensible au charme du papy qui se ratisse les quatre mèches qui lui restent en travers de l'occiput pour faire croire qu'il y a encore du monde, si ça se trouve il chante comme un dieu et je ne vais plus vouloir repartir.

Quand l'effectif fut au complet, trois dames nous avaient rejoints, dont une, au sourire angélique et aux yeux pétillants, devait être la grand-mère de Jane Calment.

Elle m'expliqua avec douceur qu'ici on était bien traitées, nous les dames, car on n'était pas nombreuses et que les hommes étaient bien galants et aux petits soins (miam). Ce qui un instant m'a laissé penser que chez elle, ça n'avait dû être le cas tous les jours.

Le chef de choeur, un bébé d'une trentaine d'années, nous fit chanter du basque à gorge déployée, le petit jeune de la bande (mon âge et quelques) dont l'étonnante tessiture m'accompagnait dans les aigus s'étant placé à côté de moi pour que je suive, et c'était bien.

(Quand même je jetais régulièrement des regards inquiets vers ma voisine, l'unique autre soprano, qui tanguait dangereusement à chaque projection vocale. Elle tenait bravement le coup.)

Ensuite on m'expliqua que pour les dîners, les femmes faisaient à manger et que les hommes apportaient à boire.

Enfin quand j'ai voulu ranger des chaises on s'interposa: il y avait des hommes pour ça. Quand j'ai répliqué que j'étais une femme moderne et que ça me donnait le droit de soulever une chaise ou deux (surtout étant donné que ma masse musculaire pourtant assez indigente dépassait de loin celle du papy suant qui tentait de défendre sa position de mâle dominant), j'ai eu l'impression d'avoir dit que non de dieu de bordel de bite tire-toi de mon chemin ou je te fais bouffer tes couilles (je vous jure que c'est pas DU TOUT ce que j'ai dit).

Moi qui croyais avoir fait une incursion dans le XVIe arrondissement, en fait je venais de m'égarer dans les années 1950.

J'ai donc pris congé de cette charmante compagnie bien décidée à ne pas y remettre les cordes vocales. Sans rancune, hein, car ils étaient tous absolument charmants et indubitablement fossilisés dans des coutumes d'un autre âge, d'une autre vie, que je ne connais que trop bien et que je n'ai de cesse de fuir. Celles qui veulent qu'une femme soit à la fois une petite chose charmante, fragile et douée pour la popote, cette mentalité rance qui prend le prétexte de la protection des unes par les autres pour les soumettre, se soustraire à toute empathie (ma femme n'a pas eu tellement mal en accouchant!!!), et ne surtout pas leur laisser la parole.

Bref j'ai bien rigolé et je suis retournée compulser les petites annonces de chorales qui cherchent des choristes.

J'en ai trouvé une de lesbiennes. A suivre.












vendredi 1 mai 2015

Sous tifs

Il y a des gens qui voient profondément en vous, tout de suite, et qui comprennent un tas de choses sans que vous ayez besoin de les leur dire.

Mon toubib il est comme ça.

Quand je suis arrivée dans son cabinet, j'ai à peine eu le temps de lui serrer la main qu'il me disait déjà "il y quelque chose qui a changé chez vous. Quelque chose de positif."

Il n'a pas mis très longtemps à me tirer les vers du nez--moi je ne demande que ça, j'aime bien ça fait son ptit effet quand je laisse tomber le voile. Vu que je traite le plus souvent avec des gens assez évolués, ils ne sont pas choqués, non, mais surpris, oui. J'ai levé les yeux vers lui.

Je lui ai expliqué.
Je me suis découverte.

Et déshabillée (c'est un toubib je vous rappelle, je suis là pour ça). (Et puis il n'est pas mal ça gâche rien...)
Ca n'a pas raté, il a écarquillé les yeux un millième de seconde, et hop il s'est repris, et il a soupiré "moi aussi j'y pense j'aimerais bien, je me dis que tout serait plus simple. Mais je ne me vois pas du tout le faire."

Ces mots-là étaient dans ma bouche il n'y a pas un an, et aujourd'hui je suis une autre. Je suis passée de l'autre côté non pas parce que je le voulais, mais parce que j'y étais déjà et je ne le savais pas. Simplement je ne pouvais pas y arriver toute seule. Il fallait que quelqu'un vienne me chercher, me montre que j'avais ça en moi, me pousse à le faire. J'avais besoin de lire dans les yeux d'une autre que j'étais, aussi, faite pour ça.

Et ce n'est pas le bouleversement qu'on croit. Ca ne remet pas tout en question. Ce n'est pas compliqué. On n'en sort pas différente: on découvre et on montre simplement une autre facette de soi. Celle qui attendait tranquille en se disant "un jour mon tour viendra et je m'avancerai sur la scène pour jouer mon rôle, moi aussi."

Et si c'est encore rare, si souvent on le cache avec perruques, foulards et maquillage de théâtre, si l'assumer n'est pas une mince affaire même devant ceux qu'on aime ou qu'on croit aimer, c'est là, c'est possible de vivre aussi comme ça. Même si c'est trop loin de la norme pour être vraiment confortable. Puisqu'évidemment, il y a un bon paquet de gens qui ne comprendront pas.

Et ça ouvre des horizons tellement plus vastes. On ne regarde pas les autres filles pareil dans la rue. On a l'impression (mais est-ce que ce n'est pas une réalité?) que les hommes nous regardent différemment. A la fois curieux, vaguement mal à l'aise, mais très intéressés.  Ca se remarque tant que ça?

Et on peut choisir de ne pas y penser. De le mettre en latence. De ne pas en faire une obsession, de se le garder pour plus tard, ou de se dire qu'un jour on se lancera, et peut-être que ça n'arrivera jamais, mais de ne pas se l'interdire. De ne pas le vivre comme quelque chose de subi, mais comme un cadeau qui nous permet une seconde naissance--l'expérience et l'âge en plus. Supporter le regard curieux des autres c'est tellement plus facile à 40 ans qu'à 15.

Bref, je me suis rasé la tête.