dimanche 20 juillet 2014

Hein?

Wololo mais qu'est-ce qui m'arrive j'écris plus.

C'est ptête parce que j'ai trop de sujets à traiter, et du coup je sais pas lequel choisir.

Par exemple ya eu les élections européennes, et tous les journalistes qui ont tenté de nous faire croire que les Français réagissaient à ceci ou cela, sanctionnaient le gouvernement ou allaient pas voter parce qu'il faisait beau/moche/pleuvait des sauterelles/sans opinion.
Alors qu'en réalité, tout simplement, les fachos gagnent du terrain. Ah ben oui c'est moche mais finalement on s'y habitue, puisqu'on a frémi sur le moment et qu'au bout de quelques semaines on n'en parlait plus. Et puis alors la coupe du monde, le tour de France et le chamboule-tout ukrainien avec des avions de la Malaysia Airlines ça a quand même assez de gueule pour évincer ce fâcheux faux-pas facho.

Je ne sais pas, je n'ai jamais su pourquoi, je gardais depuis des années, cette Une dont Libé avait fait une carte postale tant elle était emblématique, scandaleuse, inimaginable:




Pour la première fois, la droite s'alliait avec le FN pour gagner des voix et garder des régions.

On rigole bien, hein, aujourd'hui en voyant ça. On n'est plus à ça près.
C'était en 1998, il y a un siècle quoi.

Drôle d'année 1998. Déjà parce que c'est l'année de naissance de mon chat et qu'il n'est toujours pas mort, et puis aussi parce que c'est l'année où je suis devenue sourde.

(J'entends déjà les lazzis et les quolibets: non, ya pas eu d'année où je suis devenue muette.)

Un jour, une après-midi, même, alors qu'un rhume tout con me neutralisait l'énergie, je me suis allongée pour faire une petite sieste. Et mon chaton, qui avait deux mois environ, est venu me réveiller en me léchant l'oreille. Je me suis levée et paf, je me suis cassé la gueule. Hahaha. Je me suis relevée et repaf, je me suis recassé la gueule. Troisième tentative de relevage, troisième gamelle. C'était plus drôle du tout. J'avais pas la tête qui tournait, j'avais mal nulle part, j'avais juste une moitié de corps qui refusait d'exister.

Alors j'ai rampé jusqu'à la cuisine, et en m'accrochant au mur et aux meubles j'ai réussi à sonner à l'interphone qui reliait mon appart à celui de ma meilleure amie qui habitait, ô miracle, la porte en face. Viens, j'ai un problème.
Elle est venue, elle m'a ramassée et soutenue jusqu'à mon lit.

Une demi-heure plus tard, je me suis levée. Ca tenait. Bon. Mais je me sentais bizarre. La tête dans du coton, et le cerveau très clair à la fois.

Le soir, cette sensation d'anesthésie du côté droit de la tête se fit de plus en plus aiguë. J'avais l'impression, quand je me touchais la joue, qu'il ne se passait rien, comme si le dentiste m'avait injecté une dose de dinosaure. Et d'un coup la panique est arrivée au grand galop, comme à chaque fois qu'il se passe une vraie catastrophe dans ma vie. Même sans pouvoir encore mettre des mots dessus, j'ai compris que quelque chose allait très mal.

Aux urgences ORL de Necker, on m'a demandé si je sortais de boîte. Si je me droguais. Si j'étais malade. Non, non, et non. Mon chaton m'a juste léché l'oreille, c'est grave docteur?

On m'a fait un audiogramme. Le type m'a dit: Mademoiselle (j'étais vachement jeune en 1998), je viens de faire passer l'équivalent d'un 15 tonnes dans votre oreille droite, et vous n'avez rien entendu. Votre oreille est totalement sourde.

Hein? (ah ouais pourrie, la blague).

Certes, avec le recul, le cul au chaud derrière son ordi et en pleine faculté de ses esgourdes, on peut toujours se dire qu'il reste la gauche. Mais sur l'instant, ça suffit pas du tout, je vous assure.

J'ai compris alors cette sensation d'anesthésie. Ce n'était pas que je ne sentais plus la partie droite de mon visage: je ne l'entendais plus.

Expérience: pincez le lobe de votre oreille entre votre pouce et votre index.  Frottez. Frouich, frouich. Vous l'entendez?

Et ben pas moi. Rien, ça faisait rien. Tapotez-vous la joue. Tap-tap-tap.

Ben moi, rien. Pour mon oreille interne, une moitié de moi avait cessé d'exister.

Je me suis retrouvée à 2 heures du matin, avec une blouse en papier d'hôpital et en culotte, sans rien de personnel, pas la moindre brosse à dent, RIEN À LIRE (la lecture: le xanax du coeur), avec trois femmes inconnues dans une salle digne d'un asile psychiatrique du XIXe siècle et des infirmières totalement barrées et démissionnaires qui nous laissaient livrées à nous-mêmes lorsqu'elles n'étaient pas carrément nuisibles. (Le lendemain, en me posant un catéther pour la perfusion, la connasse de service m'a ratée. Elle a bien fait le trou, ça oui, mais au lieu de faire rentrer le produit, je me suis mise à saigner du bras. Elle a rien vu, moi non plus. C'est quand j'ai senti que je tombais dans les pommes que j'ai voulu sonner. Et là, pas moyen de lever l'autre bras pour atteindre la sonnette, trop lourd, trop fatiguée, trop pfffff....une des nénettes dans un lit en face a vu que je tentais d'appeler, elle a sonné à ma place. La connasse, heu, l'infirmière m'a récupérée dans une mare de sang. "Oh merde! Nicole, viens vite!" Ah ben ouais tu l'as dit, morue.) Et ça a été comme ça pendant six jours...si je racontais tout je pense que l'APHP me ferait un procès en diffamation, or ya prescription (je hais ce concept) et puis ce serait vraiment pas drôle (alors que jusqu'à présent c'était la franche marade pas vrai?)

J'en suis ressortie un peu moins d'une semaine plus tard, incapable de marcher sans être soutenue, véritable zombie avec cinq kilos en moins (youpi!!!!!) et une grosse envie d'être morte en plus (c'est la joie des protocoles de l'époque en cas de surdité brusque: comme on pouvait pas savoir ce qui l'avait causée, on vous collait tous les traitements pour toutes les causes possibles. Enfin quand on arrivait à planter le cathéter dans la veine, hein, suivez mon regard. Du coup ça fichait un sacré coup au physique et au moral. Dans les autres hôpitaux on mettait des anxyolitiques dans la perf, mes infirmières avaient dû bouffer ceux qui étaient prévus pour moi). J'avais récupéré un peu d'audition, puis je l'avais reperdue (ce pour quoi le médecin m'avait engueulée d'ailleurs, ce qui me semble être une technique de soin assez infaillible), puis un peu récupérée...

Aujourd'hui j'entends assez correctement pour faire illusion, et je ne suis plus jamais seule puisque mes acouphènes me suivent partout. J'ai atteint le niveau expert en "sourire d'acquiescement genre je suis tout à fait d'accord mais en fait j'ai rien capté", et surtout, quand quelqu'un m'interpelle et que j'ai pas envie de lui répondre, je fais la sourde oreille et quand il me dit "mais vous êtes sourde?" je lève de grands yeux innocents et je réponds avec un désarroi à peine calculé dans les yeux: "oui".

Infaillible.