dimanche 14 décembre 2014

Pause poésie

Je n'ai pas du tout, mais alors pas du tout le temps de bloguer.

C'est ballot parce que j'avais l'intention d'écrire une longue tirade existentielle sur la digestion du confit de canard chez les loutres gersoises en préménopause, j'avais toute la doc sous la main après des mois de recherches, mon plan était fait, la conclusion toute construite dans ma tête mais j'ai pas le temps de l'écrire, j'ai trop de clients sur le feu.

À la place je vous livre une des premières fables qui berça mon enfance. C'est mon père qui me l'avait apprise je pense. C'est à lire à haute voix. Sinon ça marche pas. (Éloignez les enfants, les coincés du cul et du second degré).

Attention ça va aller très vite.


Un hanneton volage près d'une pie passa.
Mais la pie était sage, et ne le happa pas.

Moralité:
Ah! Quel bel appât que la pie n'happa pas!

(Oui c'est écrit plus gros que d'habitude, c'est pour que ça prenne plus de place, ya pas de raison, au lycée ça marchait sur les copies de français et de philo).



mercredi 3 décembre 2014

ZZZZ.


On passe quoi, un tiers de notre vie à dormir? (la flemme de faire des recherches pour vérifier. A vue de nez un peu plus qu'à faire caca, un peu moins qu'à faire à bouffer? J'ai bon? L'inverse alors? Non? Bon).

En ce moment je dors comme un plomb et je rêve comme un plomb aussi (c'est-à-dire c'est lourd). Je fais des rêves baroques, souvent à la Hitchcock, avec un premier rôle (ah ben oui, moi, vous croyez quoi?) des seconds rôles (ça change), et cette fille.

Parfois elle fait juste de la figuration, par exemple je rêve que je galope dans la pampa à cheval sur une girafe radioactive, poursuivie par un troupeau de ténors alopéciques, et hop, au détour d'un sarcophage égyptien je la vois en train d'attaquer un sandwich au cassoulet par la face nord.

Ou bien je prends tranquillement mon accélérateur de particules pour partir soigner sur le front les blessés de la guerre de Cent ans en leur faisant manger des pages de livres, et qui c'est qui poinçonne les billets, des cacahouètes dans les oreilles et une scie à métaux entre les dents? Elle.

Elle ne dit jamais rien, mais elle est là. Elle ne me dit pas comment elle s'appelle, le générique ne dit pas où je peux trouver la clé pour m'en débarrasser ou pour la convaincre de me parler. Toutes les nuits elle est là. Parfois elle se contente de passer, au fond de la scène, comme si elle allait quelque part. Et tu vas où comme ça ma belle, dans les circonvolutions de mes névroses nocturnes? Tu cherches quoi, quel fil tirer pour dérouler la pelote de mes pensées? Est-ce que tu cherches par où tu vas instiller le poison de l'oubli, la noirceur de la maladie, le crabe qui va ronger ma comprenette et me faire oublier qui je suis alors que je ne suis même pas à la moitié du chemin qui doit me conduire à moi-même?

Pourquoi cette sensation, mademoiselle, que tu ne peux absolument pas me vouloir du bien, que tu es forcément là pour me nuire? Alors qu'en fait, ce que tu cherches, c'est peut-être simplement la sortie...égarée là par hasard, tu t'es trompée de rêve, tu allais chez une autre, et tu as atterri chez moi. Pas de bol...c'est peut-être toi la plus désorientée des deux. Oui mais c'est ma vie nocturne que tu squattes ma jolie.

Arrête de chercher, pose-toi, il faut qu'on cause.

Au matin, parfois, un cheveu incongru, ni à moi, ni au chat, ni aux visiteurs de passage, posé sur l'oreiller, me nargue de toute sa kératine.



(Souvent je me demande ce que ça fait de vivre toute sa vie en prison. Pas juste derrière les barreaux d'une geôle occidentale, mais par exemple dans un corps de femme en Afghanistan ou manœuvre sur un chantier de Dubaï, ou ouvrière dans une usine géante en Chine. D'avoir ces destins inébranlables, zéro espoir, ceux dont on sait qu'il ne changeront jamais. Savoir qu'on est toute sa vie prisonnière d'une maison, d'un mari crado, d'enfants non-voulus, d'une belle-mère salope, d'un contremaître tyrannique. Et vivre quand même. Choisir de ne pas mourir. Comment mesurer ça à l'aune de nos petites tristesses, chagrins d'amour, maux de dents, peines de boulot, problèmes de fric d'Occidentaux gâtés? On se dit qu'on ne le supporterait pas une journée, pas une heure.
Alors qu'en fait, si, probablement. La seule chose que l'on ne peut vraiment pas supporter, c'est d'y penser trop longtemps finalement.)

mercredi 19 novembre 2014

Paroles paroles paroles

Novembre. Les feuilles tombent, les larfeuilles aussi. J'en ai trouvé un par terre, bien garni de tout un tas de cartes vitale, d'identité, bleue et autre passeport que je me suis empressée de revendre au prix fort aux sans papiers de la Goutte d'Or.

(Note aux cognes: je blaaaague. J'ai retrouvé le proprio, rendu le portefeuille, reçu pour ma peine des chocolats très corrects, et expliqué à Gavroche qui voulait au passage soulager l'objet du billet de 20 balles qui y était niché que non, on ne pouvait pas faire croire qu'un pigeon s'était envolé avec. Fallait tout rendre.)

En parlant de Gavroche, j'ai déjà mentionné qu'il était dyslexique mais ai-je sussuré qu'il était également bilingue? Ce sont des choses qui arrivent. (Pas à moi. Moi je me suis cogné, comme vous, "Where is Jenny? Mummy is in the kitchen. Daddy is watching TV in the living-room" et tous les joyeux clichés pas sexistes du tout des manuels d'anglais des années 80. Bref).

L'autre soir à table je lui racontais dans les (très) grande lignes l'histoire de Don Quichotte. (La culture générale des dyslexiques c'est à l'oral ou RIEN). Ah ben c'est pas du tout de ça que je croyais que ça parlait, m'a-t-il rétorqué après un défilé éclair de moulins à vent et autres fausses princesses. Ah bon tu croyais que ça parlait de quoi?
- D'un âne qui se fait tirer dessus par un type et qui meurt.

????


- Ben oui. Don Quichotte.

Donkey shot.

Là, enfin, pour la première fois depuis ces longues années où je maudis le ciel et évoque en vain le nom du Seigneur pour lui expliquer où j'aimerais lui coller mon pied, j'ai compris à quoi servait l'absence totale de rapport à l'écrit de la dyslexie. A coller des orgasmes aux neurones des linguistes (pornographie de niche s'il en est. Mais tout est bon à prendre).

Ca risque de pas être vachement utile dans la vie de Gavroche ce genre de sortie poétique mais foutre que c'était bon.

(Il avait aussi jugé précédemment que les polos low cost, avec le crocodile, c'était pas tellement sa came.)

(Je réalise que juste avec les mots-clés "pornographie" et "orgasme" je suis sûre de remplir mon quota de visiteurs du mois en 24 heures. Et ptête même "niche" aussi.  J'ai pas fait exprès je le jure. Les amateurs de cabrioles canines fourvoyés par mon vocabulaire trompeur et un moteur de recherche peu scrupuleux peuvent toujours se consoler avec ça, autre illustration de la création artistique débridée des années 80:)




PS: Cervantes et Shakespeare sont morts le même jour, de la même année. Cette extraordinaire coïncidence littératuro-banale n'avait à ce jour aucune importance ni aucune incidence sur le cours des planètes, et d'ailleurs tout le monde s'en foutait éperdument sauf moi qui adore ce genre d'info parfaitement inutile. Ben maintenant, ça prend enfin tout son sens. Will, Miguel, on se comprend.

vendredi 24 octobre 2014

Holà....

Je viens d'entrer brutalement dans le XXIe siècle (sachant que j'étais fermement ancrée dans le XIXe duquel je refusais obstinément de sortir, séduite par les corsets, les cocotes et la syphilis créatrice sans oublier les enfants qui travaillent à la mine au lieu de faire chier à vouloir faire des ateliers théâtre à 500 euros l'année). Donc, j'ai acquis un smartphone. Et ce juste avant de partir en Andalousie, afin de m'assurer que je resterais connectée à la civilisation (=mes mails) dans cette contrée à peine effleurée par la modernité (j'étais à Marbella, longue plage de béton et de millionnaires allemandes à chienchiens, où les enseignes des banques et des agences immobilières sont en russe tant l'Espagnol s'y fait rare.)

Evidemment, l'engin a absolument refusé de fonctionner pendant tout mon séjour, m'obligeant à l'exil dans un cybercafé pour consulter mes mails.

Au bout de 3 jours de vains efforts, l'oeil convulsé, la bave aux lèvres et le coeur en tachycardie (Mon Dieu et si j'avais reçu un mail d'un prince gabonais qui m'adjurait de transférer 5000 euros sur mon compte et qu'il était trop tard pour répondre?) j'ai dégoté sur l'équivalent andalou de la Place du Tertre ("Ménou Tapas récommandé par lé guidé dé lé Routardo") un cybercafé (olé). Une fois connectada, il ne me resta plus que mes ojos pour pleurer car gmail (qu'il soit maudit jusqu'à la 7e génération) trouva hautement suspect que je tente de me connecter depuis Grenade, me soupçonna d'être un vil pirate et me demanda de confirmer mon identité en lui introduisant dans la fente le code qu'il allait envoyer à mon smartphone.

Celui-là même qui refusait de fonctionner, donc, et m'avait conduite dans le cybercafé susmentionné et subséquemment tout droit dans le mur de parpaings du désespoir.

Je cassai une ou deux chaises ("sillas" en espagnol, ne me remerciez pas) et allai visiter l'Alhambra, la mort dans l'âme et sur le trottoir:




(oui c'est pittoresque Grenade et pas du tout touristique)

À l'Alhambra, malgré mon air hagard et ma petite mine de traductrice déconnectée, j'ai fait mon premier selfie, autant que mon smartphone serve à quelque chose:



Admettez que j'étais pas fraîche.

Ça va mieux merci.

Ceci dit, après m'être cassé le cul à chercher vainement une connexion en Espagne, je suis pas passée loin de me rompre autre chose en Vendée, comme quoi ma réputation d'(a)mante religieuse n'est pas totalement sans, heu, fondement:





PS: j'ai trouvé ma tombe idéale. Je prie les rescapés de mon futur cancer de m'offrir ça quand j'aurai trépassé:


Bonne journée.




dimanche 5 octobre 2014

Du recul, toujours du recul

Je reçois en ce moment des messages venus de très très loin.

Moi qui ne crois en rien, athée convaincue, à peine passée par la case agnostique (et ce très très brièvement, du 10 au 12 janvier 1987 environ), je vois toutes mes certitudes se faire violemment ébranler.

Non, quand on meurt, réduite à l'état de sculpture façon César dans une Mercos ou à la suite d'une bruyante agonie, on ne devient pas juste un petit tas de cendres ou un morceau de chair putréfié enrobant de justesse un tas d'os jaunissant. Nous avons une âme, qui prend son envol à cheval sur notre dernier souffle, part dans un nirvana quelconque badiner avec des chérubins, et surtout, surtout, trouve un spot WiFi pour REVENIR discuter avec les heureux utilisateurs de gmail.

et je le prouve:



Eh oui, vous avez bien lu. Staline ET Lady Di m'ont écrit, à MOI, personnellement.

Staline, qui est donc âgé de 136 printemps (c'est vraiment con qu'il ne m'ait pas envoyé un selfie, je voudrais bien voir sa tête), est non seulement vivant mais il habite en France. Alors on peut dire tout ce qu'on veut sur la politique de gauche, critiquer Hollande, Valls tout ça, faut reconnaître que le fait qu'un dictateur russe de si belle prestance ait choisi notre hexagone pour profiter de sa villégiature post-mortem (alors que mon petit doigt me dit que Poutine l'aurait accueilli à bras ouverts), ça a de la gueule hein.

Quand à son altesse Lady D. , bon, elle est quand même vachement plus prévisible puisque même morte elle continue à vouloir tout déminer, ce qui tend à prouver que les morts sont monomaniaques (je dis ça mais Staline ne m'a pas confirmé dans son mail qu'il avait l'intention de massacrer des opposants par millions, alors sait-on jamais, peut-être est-il passé à autre chose).




C'est cela, oui.


Sinon j'ai lu le livre que Cosette désormais en 4e (elle chausse du 41. Ca n'a rien à voir mais j'aime bien le dire) doit étudier en cours de français. Je suis restée sur le cul d'une part parce que c'est un livre époustouflant (une toute petite nouvelle épistolaire, simple et efficace), parce que je ne l'avais jamais lu (si l'abîme culturel avait un fond j'y serais, comme il n'en a pas je continue de m'y enfoncer)  et à cause de son année d'écriture. Je vous résume (SPOILER à mort):

Ça se passe en 1933. Max Eisenstein, célibataire juif, et Martin Schulse, pas juif, marié, plein d'enfants, sont galeristes en Californie. Martin retourne vivre en Allemagne, et reste en contact avec son ami et collègue, par lettre. Outre leur amitié, ils sont liés par le secret d'une ancienne relation amoureuse entre Martin et Griselle, la soeur de Max, juive donc, qui vit en Allemagne.

Au fil de leurs échanges épistolaires, on sent rapidement la situation se tendre, Martin céder aux sirènes nazies, avant d'interdire à Max de lui écrire, pour ne pas nuire à sa situation mais aussi par conviction antisémite. Max demande tout de même à Martin de protéger sa soeur Griselle, dont il n'a plus de nouvelles: la dernière lettre qu'il lui a adressée lui est revenue arborant la mention: inconnu à cette adresse. Quand Griselle, aux abois, se présente au domicile de Martin, ce dernier lui ferme la porte au nez, la livrant de ce fait aux nazis qui l'exécutent sur le champ.

Martin relate à Max ce lynchage dans un récit lapidaire et hautain.  C'est alors que Max commence à envoyer à Martin des lettres visiblement codées, dont le contenu laisse entendre que Martin aide des juifs à s'échapper d'Allemagne afin de les soustraire à la répression nazie. Le code est grossier, sous couvert de "livraison" de peintures, pinceaux et autres matériels en relation avec la galerie, il apparaît évident que leur destinataire se livre à un trafic pour sauver des juifs, ce que viennent confirmer les quelques mots d'encouragement à la fin de chaque missive.

Martin écrit alors une lettre désespérée à Max en lui demandant d'arrêter de lui adresser ce genre de lettres, qui lui ont valu de perdre sa place, professionnellement et socialement, et d'avoir été interrogé par les autorités nazies.

Max continuera d'écrire. Sa dernière lettre lui reviendra, portant la mention: "inconnu à cette adresse." On ne saura pas, mais on se doute de ce qu'il est advenu de son ancien ami. La vengeance est consommée.

Cette nouvelle est magistralement écrite (et traduite), brève, simple, efficace, sans fioritures, et en elle-même c'est une belle œuvre littéraire. Avec le recul c'est une illustration effrayante de ce qu'allaient subir l'Europe et le reste du monde pendant les 6 années de guerre, de cette mise à nu de l'âme humaine qui allait en sublimer certains et en plonger d'autres, irrémédiablement, dans les bas-fonds de l'humanité.

Avec le recul, oui. Mais cette nouvelle date de 1938. Vous savez, à l'époque où on ne pouvait pas savoir....on ne savait pas...enfin pas grand-chose....enfin peut-être un peu mais....

Elle s'appelle (tadaaa) "Inconnu à cette adresse" et a été écrite (en mille neuf-cent trente-huit, donc, oui j'insiste, oui) par l'américaine Kressmann Taylor.

Comme disait Desproges, étonnisch, nein?

mardi 23 septembre 2014

Lila

Il m'arrive tout le temps tout un tas de trucs que je ne peux pas raconter ici, c'est agaçant.


A la limite je peux raconter des trucs qui arrivent aux autres?

Oui?
Oui.

(De l'intérêt du monologue quand même. Je ne me contredis pas souvent. En revanche je m'invective assez régulièrement).

Appelons-la Lila, puisqu'elle sentait bon.

Lila avait décidé de ne rien faire de sa vie car c'était le meilleur moyen de ne pas se planter.
Convaincue qu'elle n'était de toute façon bonne à rien, elle laissa les événements s'emparer d'elle et se laissa porter par les vagues des circonstances, sans jamais chercher à changer le cours du destin.

Cette stratégie de l'autruche passive lui rapporta un gentil mari qui n'insistait pas trop souvent sur la sodomie et deux non moins gentils enfants d'une transparence à pleurer. Un métier rasoir et des amis insipides. Tout allait bien.

Un seul hoquet dans cette vie bien rangée: un prénom peut-être un tantinet trop original.

Le gentil mari de Lila était un expert-courtier en banque de consulting. (Si ça existe. Dans ma tête ça existe). Il rapportait tous les sous nécessaires pour payer les traites de la maison, les cartables des petits et les vacances d'été.

Lila, son gentil mari et ses enfants transparents vivotaient tranquillement en attendant de devenir vieux, ridés et moches. Le travail, la famille, les vacances et la télé leur assuraient une occupation permanente et donc, le bonheur.


Un soir en rentrant du travail, Lila dans la rue fut abordée par un jeune homme très beau et très brun, aux yeux luisants. Vous êtes vraiment très belle madame, lui asséna-t-il en plongeant ses yeux de braises dans la lavasse de ses yeux à elle, avant de continuer son chemin comme si de rien n'était.

Lila qui n'avait jamais connu le moindre trouble (sauf peut-être un jour de soldes en 2003, lorsqu'elle s'était rendu compte que le manteau qu'elle avait acheté 250 euros--une folie--était désormais en vente à 95 euros), sentit sa gorge se serrer, sa poitrine s'opprimer, sa culotte s'humidifier.

Lila arrêta de manger, Lila se mit à fumer. Lila tourna le dos à son mari la nuit, et se cacha dans les toilettes pour ne pas que ses enfants la voient pleurer. Lila dépérit.

Et Lila mourut.

Et comme Lila n'était pas la Dame aux camélias, elle ne fut pas exhumée par un amoureux transi prêt à revoir son corps en décomposition, pourvu qu'il puisse la contempler encore. Elle fut incinérée et ses cendres remises par erreur à une famille ravie qui venait de perdre enfin une ancêtre à héritage, et qui la disposa sur une cheminée de marbre dans une résidence secondaire avec piscine, entre deux bougies et une photo de l'odieuse ancêtre décrépite.

Et le bel inconnu me demanderez-vous?

Il se fit payer une bière par ses potes qui l'avaient mis au défi d'aborder une inconnue fadasse et de la faire rougir.




Cette micro-nouvelle sans queue ni tête ni intérêt aucun ne vous est certainement pas offerte par Alexandre Dumas fils.






NdE: attention, trop de premier degré nuit à la santé intellectuelle. Je ne suis pas Lila. La preuve: j'ai pas la télé.

dimanche 7 septembre 2014

Ksss

Mon chat a été malade, j'ai cru qu'il allait mourir, pis finalement il a changé d'avis, ce qui tombe bien car il est très efficace pour absorber les mauvaises ondes de la maison.

Gavroche qui a dorénavant 10 ans et demi et une dyslexie dont l'intensité dépasse de peu son addiction maladive au Nutella est partagé entre la douleur anticipée à l'idée de le perdre et l'envie d'en avoir un nouveau qui n'aurait pas encore servi, plus petit, plus mignon, plus joueur et plus manipulable (notre chat est obèse.)

Cet été nous sommes passés chez sa tante (ma soeur donc) dont la chatte produit des mômes en flux tendu (alors que ma soeur n'en a que deux, finalement), et l'idée que nous n'en adopterions pas lui fut assez douloureuse.

(Alors que pour moi, qui ai déjà refilé un chaton de la génitrice en question à un collègue, et qui sais qu'avec ya puces et vers grouillants dans le trou de balle en bonus, ça a été beaucoup plus simple d'y renoncer).

Quand il a été malade, j'ai conduit mon chat chez le vétérinaire (le boucher n'en voulait pas). Quand je suis arrivée à proximité de l'échoppe, j'ai été submergée par une odeur de crottin, on se serait cru chez les gardes républicains. Boudiou me suis-je dit, on soigne les chevaux au beau milieu du 18e arrondissement de Paris, j'aime ma ville décidément. Or déception, c'était en fait à cause d'un tournage "d'époque" (comprendre du temps où on courait plus de risque de glisser dans du crottin de cheval que dans une merde de caniche en allant acheter son charbon), yavait des chevaux partout qui faisaient le tour du petit square qui jouxte le cabinet du véto.

Ahhhh la véto. La cinquantaine paniquée (et probablement pas niquée non plus), et terrorisée par mon chat qui ne bouge pas, qui ne griffe pas, qui ne mord pas mais qui miaule. Le matou sur la table pleure toutes les larmes de mon corps (parce qu'en 16 ans j'en ai pas vu une chez lui alors que je pourrais noyer le Zouave du pont de l'Alma à moi toute seule tant je chiale), et c'est vrai, il faut admettre que ça ressemble davantage à des barrissements qu'à des miaulements mais bon, ça reste un gros chat qui flippe quoi. Pas de quoi le fouetter non plus. Or donc la dame dont c'est le MÉTIER s'est mise à prendre vapeur et à s'exclamer au bord des larmes qu'elle n'y arriverait jamais, que c'était pas possible un chat pareil (miaou, donc), que oh la la il urine en plus (ah ouais pardon j'ai pas pensé à lui coller un tampax dans l'urètre avant de venir, bêtement je me suis dit qu'elle en avait vu d'autres avec tous les lions et les poneys qu'elle soit soigner, non, je me goure?), et on dirait bien qu'il a peur vu l'odeur (parenthèse culturelle: un chat qui a peur pisse et dans son urine dégage une hormone de panique qui chlingue abominablement et qui a comme conséquence collatérale de déstabiliser totalement les vétérinaires improbables). Et là elle n'était pas en train de lui coller un thermomètre dans le cul (ça elle l'a fait avec un grand naturel, il n'a RIEN dit), ni de lui faire une piquouse, poser une ventouse ou inciser un furoncle, non, elle lui coupait juste les poils pour faire une prise de sang.

Moi le chat je le tenais, comme on me l'avait ordonné. On m'avait aussi enjointe de tenir sa tête de côté pour pas qu'il regarde, et de le caresser. Oui, il faut bien trois mains pour faire tout ça, je confirme (et le fait qu'il y ait une assistante à mes côtés, les bras ballants, me regardant tenir-caresser-écarter la tête du chat n'était pas du tout agaçant. A sa décharge elle a failli réussir à trouver le sopalin pour éponger la pisse). Et puis parlez-lui madame pour qu'il ait moins peur hein, parce que c'est pas possible, je vais pas y arriver.

Et à toi connasse je dis quoi pour que t'arrêtes de flipper? (Dialogue strictement intérieur, donc. Elle avait un rasoir à la main et une évidente tendance maniaco-dépressive je vous rappelle).

Au final la vétérinaire a été très courageuse et elle a réussi à couper un centimètre carré de poils (j'ai failli lui donner des croquettes pour la récompenser). Une prise de sang et 102 euros de moins plus tard, je repartais avec mon matou qui, une fois rentré, a décidé de guérir miraculeusement pour ne plus jamais revoir la folle qui doit pas beaucoup murmurer à l'oreille des  chevaux.


Voilà, sinon pour rester dans le domaine animalier je pense avoir trouvé la parfaite illustration de ma vie sentimentale:






jeudi 28 août 2014

Chantons sous la pluie

Cet été j'ai eu un an de plus (oui j'aurais dû m'y attendre finalement c'est assez récurrent comme événement).

Entre autres choses intéressantes j'ai pu constater que plus je vieillis, plus les gens ont tendance à mourir autour de moi et je vais finir par me demander s'ils le font exprès ou quoi.

Là c'est encore un papa qui a fermé son parapluie (façon de parler, il pleuvait pas ce jour-là), pas le mien direz-vous, l'avantage d'être orphelin c'est que ça n'arrive qu'une fois en principe.

Celui-là est également parti brusquement, sans prévenir, il est tombé et paf. Alors c'est pas très sympa pour ceux qui avaient prévu de faire une belote à quatre le soir, mais au final c'est quand même plus souhaitable que de finir en plusieurs mois à vomir son caca sur un lit d'hôpital (youpi c'est la rentrée je suis d'humeur badine). Je dis pas ça pour consoler la veuve et les orphelins, de toute manière rien ne les consolera, ils apprendront à vivre avec--ou sans plutôt (message personnel: oui on peut, ya que Mickey qui ne peut pas vivre sans Pluto).

Alors il faut faire le deuil (comprendre chialer sa race sur le mode "mon papa est mort je le verrai plus") et puis aussi, et franchement c'est la grande baffe que j'ai prise, moi, quand ça m'est arrivé, il faut faire le deuil du père qu'on n'aura jamais. Celui qui aurait pas tant merdé sur toute la ligne. Ben c'est autrement plus difficile à vivre hein. Comme disait Anouilh: "Mourir, ce n'est rien. Commence donc par vivre, c'est moins drôle et c'est plus long."

Sinon en ce moment je chante beaucoup l'histoire d'une fille de joie qui aime sincèrement un type mais finalement il lui jette son mépris à la tronche vu que son papa à lui a dit bof, ça se fait pas trop dans la famille de s'envoyer des courtisanes, et boum du coup méga-vexée (et pas mal tuberculeuse) elle meurt. (Tu as reconnu La Schroumpfette à Saint Tropez? Mange un marteau. Tu as reconnu la Traviata? Arrête de pleurer c'est pas une vraie histoire. Dans la vraie vie les amoureu(ses)x sont toujours réuni(e)s, et ceux qui les aiment chantent de joie autour d'eux en leur jetant des cacahouètes pendant que les papillons s'envoient allègrement en l'air dans des piscines trop chlorées). (Tu y as cru? Perdu).



Billet sponsorisé par Xanax et la Maison Borniol.


PS: pour applaudir le playback de la traductrice c'est .






dimanche 20 juillet 2014

Hein?

Wololo mais qu'est-ce qui m'arrive j'écris plus.

C'est ptête parce que j'ai trop de sujets à traiter, et du coup je sais pas lequel choisir.

Par exemple ya eu les élections européennes, et tous les journalistes qui ont tenté de nous faire croire que les Français réagissaient à ceci ou cela, sanctionnaient le gouvernement ou allaient pas voter parce qu'il faisait beau/moche/pleuvait des sauterelles/sans opinion.
Alors qu'en réalité, tout simplement, les fachos gagnent du terrain. Ah ben oui c'est moche mais finalement on s'y habitue, puisqu'on a frémi sur le moment et qu'au bout de quelques semaines on n'en parlait plus. Et puis alors la coupe du monde, le tour de France et le chamboule-tout ukrainien avec des avions de la Malaysia Airlines ça a quand même assez de gueule pour évincer ce fâcheux faux-pas facho.

Je ne sais pas, je n'ai jamais su pourquoi, je gardais depuis des années, cette Une dont Libé avait fait une carte postale tant elle était emblématique, scandaleuse, inimaginable:




Pour la première fois, la droite s'alliait avec le FN pour gagner des voix et garder des régions.

On rigole bien, hein, aujourd'hui en voyant ça. On n'est plus à ça près.
C'était en 1998, il y a un siècle quoi.

Drôle d'année 1998. Déjà parce que c'est l'année de naissance de mon chat et qu'il n'est toujours pas mort, et puis aussi parce que c'est l'année où je suis devenue sourde.

(J'entends déjà les lazzis et les quolibets: non, ya pas eu d'année où je suis devenue muette.)

Un jour, une après-midi, même, alors qu'un rhume tout con me neutralisait l'énergie, je me suis allongée pour faire une petite sieste. Et mon chaton, qui avait deux mois environ, est venu me réveiller en me léchant l'oreille. Je me suis levée et paf, je me suis cassé la gueule. Hahaha. Je me suis relevée et repaf, je me suis recassé la gueule. Troisième tentative de relevage, troisième gamelle. C'était plus drôle du tout. J'avais pas la tête qui tournait, j'avais mal nulle part, j'avais juste une moitié de corps qui refusait d'exister.

Alors j'ai rampé jusqu'à la cuisine, et en m'accrochant au mur et aux meubles j'ai réussi à sonner à l'interphone qui reliait mon appart à celui de ma meilleure amie qui habitait, ô miracle, la porte en face. Viens, j'ai un problème.
Elle est venue, elle m'a ramassée et soutenue jusqu'à mon lit.

Une demi-heure plus tard, je me suis levée. Ca tenait. Bon. Mais je me sentais bizarre. La tête dans du coton, et le cerveau très clair à la fois.

Le soir, cette sensation d'anesthésie du côté droit de la tête se fit de plus en plus aiguë. J'avais l'impression, quand je me touchais la joue, qu'il ne se passait rien, comme si le dentiste m'avait injecté une dose de dinosaure. Et d'un coup la panique est arrivée au grand galop, comme à chaque fois qu'il se passe une vraie catastrophe dans ma vie. Même sans pouvoir encore mettre des mots dessus, j'ai compris que quelque chose allait très mal.

Aux urgences ORL de Necker, on m'a demandé si je sortais de boîte. Si je me droguais. Si j'étais malade. Non, non, et non. Mon chaton m'a juste léché l'oreille, c'est grave docteur?

On m'a fait un audiogramme. Le type m'a dit: Mademoiselle (j'étais vachement jeune en 1998), je viens de faire passer l'équivalent d'un 15 tonnes dans votre oreille droite, et vous n'avez rien entendu. Votre oreille est totalement sourde.

Hein? (ah ouais pourrie, la blague).

Certes, avec le recul, le cul au chaud derrière son ordi et en pleine faculté de ses esgourdes, on peut toujours se dire qu'il reste la gauche. Mais sur l'instant, ça suffit pas du tout, je vous assure.

J'ai compris alors cette sensation d'anesthésie. Ce n'était pas que je ne sentais plus la partie droite de mon visage: je ne l'entendais plus.

Expérience: pincez le lobe de votre oreille entre votre pouce et votre index.  Frottez. Frouich, frouich. Vous l'entendez?

Et ben pas moi. Rien, ça faisait rien. Tapotez-vous la joue. Tap-tap-tap.

Ben moi, rien. Pour mon oreille interne, une moitié de moi avait cessé d'exister.

Je me suis retrouvée à 2 heures du matin, avec une blouse en papier d'hôpital et en culotte, sans rien de personnel, pas la moindre brosse à dent, RIEN À LIRE (la lecture: le xanax du coeur), avec trois femmes inconnues dans une salle digne d'un asile psychiatrique du XIXe siècle et des infirmières totalement barrées et démissionnaires qui nous laissaient livrées à nous-mêmes lorsqu'elles n'étaient pas carrément nuisibles. (Le lendemain, en me posant un catéther pour la perfusion, la connasse de service m'a ratée. Elle a bien fait le trou, ça oui, mais au lieu de faire rentrer le produit, je me suis mise à saigner du bras. Elle a rien vu, moi non plus. C'est quand j'ai senti que je tombais dans les pommes que j'ai voulu sonner. Et là, pas moyen de lever l'autre bras pour atteindre la sonnette, trop lourd, trop fatiguée, trop pfffff....une des nénettes dans un lit en face a vu que je tentais d'appeler, elle a sonné à ma place. La connasse, heu, l'infirmière m'a récupérée dans une mare de sang. "Oh merde! Nicole, viens vite!" Ah ben ouais tu l'as dit, morue.) Et ça a été comme ça pendant six jours...si je racontais tout je pense que l'APHP me ferait un procès en diffamation, or ya prescription (je hais ce concept) et puis ce serait vraiment pas drôle (alors que jusqu'à présent c'était la franche marade pas vrai?)

J'en suis ressortie un peu moins d'une semaine plus tard, incapable de marcher sans être soutenue, véritable zombie avec cinq kilos en moins (youpi!!!!!) et une grosse envie d'être morte en plus (c'est la joie des protocoles de l'époque en cas de surdité brusque: comme on pouvait pas savoir ce qui l'avait causée, on vous collait tous les traitements pour toutes les causes possibles. Enfin quand on arrivait à planter le cathéter dans la veine, hein, suivez mon regard. Du coup ça fichait un sacré coup au physique et au moral. Dans les autres hôpitaux on mettait des anxyolitiques dans la perf, mes infirmières avaient dû bouffer ceux qui étaient prévus pour moi). J'avais récupéré un peu d'audition, puis je l'avais reperdue (ce pour quoi le médecin m'avait engueulée d'ailleurs, ce qui me semble être une technique de soin assez infaillible), puis un peu récupérée...

Aujourd'hui j'entends assez correctement pour faire illusion, et je ne suis plus jamais seule puisque mes acouphènes me suivent partout. J'ai atteint le niveau expert en "sourire d'acquiescement genre je suis tout à fait d'accord mais en fait j'ai rien capté", et surtout, quand quelqu'un m'interpelle et que j'ai pas envie de lui répondre, je fais la sourde oreille et quand il me dit "mais vous êtes sourde?" je lève de grands yeux innocents et je réponds avec un désarroi à peine calculé dans les yeux: "oui".

Infaillible.

mardi 6 mai 2014

Crac boum ouin

Râââ mais je suis maudite de la voisinerie.

Avant, j'avais des cafards et des voisins qui se balançaient des chaises à la tronche, tout en tapant leurs gamins. Dans un immeuble insonorisé moyen, c'était pas la fête du slip.

L'immeuble dans lequel je vis actuellement a été conçu par un architecte fou et sadique, qui, devançant Deproges qui avait juré qu'il piègerait son corps pour qu'il explose à la gueule du premier qui le triturerait post-mortem, a imaginé une caisse de résonance à visée locative et il doit bien se marrer du fond de sa tombe (je vais au Père Lachaise régulièrement, si je le trouve je le déterre).

Et j'ai des nouveaux voisins.
Et ils crachent (beaucoup), pètent, toussent, marchent (les cons), parlent (non mais sans blague), écoutent un transistor (pffff), bref, vivent et j'entends TOUT.
Oui, je les entends cracher.
(Et éternuer. Et quand je leur dis "à vos souhaits", ils me remercient même pas, bravo).
(Le fait qu'eux m'entendent faire toutes les joyeuses activités humaines qui sont notre lot sonore et quotidien, à moi et mes enfants, m'indiffère totalement. Ma mauvaise foi peut atteindre des sommets si je veux. Certes cet immeuble est une caisse de tambour, mais c'est MOI que ça gêne le plus. J'ai dit).
Et puis alors là depuis deux jours, ils poncent. De 9h du matin à 21h30. Mes mômes sont des zombies et oui, j'y suis allée, oui. Pour un premier contact, c'est de la balle.

Alors bon, je voudrais bien savoir ce que j'ai fait dans ma vie d'avant pour mériter ça sans déconner. C'est déjà pas une sinécure de trouver à se loger à Paris, et le montant de mon loyer me laisse juste assez de thunes pour, heu, ben pour payer le loyer suivant en fait, alors pourquoi nom d'une pipe à merde je peux pas être tranquille?????

La liste des trucs que j'ai dû faire dans ma vie antérieure:
- avoir torturé une concierge
- avoir fait cocu mon architecte de mari
- avoir fait tomber un chaton dans les fondations d'un immeuble haussmanien (inspiration Zola, sauf que lui c'était pas un chaton, et celui qui trouve dans quel bouquin c'est gagne une paire de bouchons d'oreilles, mis une seule fois)
- avoir empoisonné un adjoint au maire au logement à la sardine pas fraîche
- avoir avorté à la ponceuse électrique avant la loi Weil
- avoir filé un logement social à un agent immobilier

Bon en attendant on peut toujours avancer qu'au moins je n'ai plus de cafards, et ça, ça n'a pas de prix, et tous les jours je remercie mon karma de ne m'avoir plongée dans un nid de cafards que quatre ans et demi au XXIe siècle (parce qu'au siècle précédent j'avais aussi joué à la fille qui hurle dans un appart où ils me couraient dessus pendant la nuit, mais c'est une autre histoire).

Du coup, maintenant j'ai ça:


C'est à peine plus propre mais c'est autrement plus mignon. Pourquoi? Vu que par rapport à un cafard, c'est quand même gigantesque, pourquoi est-ce que ça ne me fait pas hurler, frissonner, sauter, pleurer de rage et de dégoût? Les poils? La queue? (Oui le terrain devient glissant je sais).

J'en ai déduit que c'était le côté mammifère qui me faisait relativiser et accepter la cohabitation (c'est pas comme si j'avais le choix non plus). Mais aussi, et surtout, le fait d'avoir baigné toute ma vie dans une culture qui dit qu'une souris, c'est mignon. Contrairement à un blaireau, un iguane, une araignée ou un ragondin (si je trouve un ragondin sur ma gazinière mon coeur risque de lâcher quand même).

Donc il aurait fallu qu'on me répétât depuis toute petite qu'un cafard c'est trop chou, le bruit de la ponceuse trop joli, les coups de marteau über-sympa et les crachats des voisins vachement rigolo pour que ma vie soit une fête. A quoi ça tient quand même (à un imparfait du subjonctif, apparemment).

Et pendant ce temps, je tiens à souligner que c'est vraiment la crise pour tout le monde:


J'ai encore fait une affaire, moi.




jeudi 17 avril 2014

Les yeux rouges des traducteurs

Je dois battre ma coulpe à l'endroit du café Lomi à qui j'ai fait une vilaine pub dans mon post précédent (non que cela ait pu influer en rien sur sa clientèle, mais bon il me reste un vieux fond d'honnêteté intellectuelle dont je n'arrive pas à me débarrasser). Faute de pouvoir y travailler sur un projet duraille, j'y avais écrit un article pour Slate qui m'a valu les félicitations unanimes de ma fille (12 ans), d'un vague ex indécis et de deux ou trois traducteurs. La gloire. Il ne me restait plus que l'amour et la beauté et j'étais prête à aller pointer chez TF1. Forte de ces louanges je suis allée fêter ça dignement en achetant de quoi faire ripailles en famille, et j'ai été fort étonnée de constater que non seulement ma charcutière ne me demandait pas d'autographe, mais qu'en plus elle me faisait quand même payer les rillettes.

Il s'agissait de traduction, et du triste (non) statut social de ceux qui s'y adonnent de façon professionnelle. Le jour même de sa parution, j'ai reçu un mail du service traduction d'Amnesty International, m'expliquant qu'ils avaient bien reçu mon CV mais qu'il ne travaillaient "que sur la base du bénévolat". Ben  voyons. Le lendemain, la même dame m'a réécrit qu'au fait, elle avait lu mon article et que comme j'écrivais bien! C'est chouette, je vais pouvoir mourir de faim auréolée de gloire bénévole, et comme je vis même pas dans un pays en guerre, j'aurai même pas droit dans mon agonie à un regard de la part des bénévoles d'Amnesty International. Passons.

Dans la même veine je suis allée voir "Les yeux jaunes des crocodiles" qui est un film tiré d'un livre à succès que je n'avais pas lu. C'est un joyeux mélange de vraie réflexion sur les relations soeur qui phagocyte/soeur cruche qui se fait avoir et de niaiseries sentimentalo-familales. Dans cette histoire, l'héroïne (la cruche) est une chercheuse au CNRS, spécialiste du XIIe siècle. Elle a aussi un diplôme (maîtrise ou DESS je sais plus) en anglais-russe-italien (ou anglais-ouzbèke-haut latin, à ce niveau de diplôme Bisounours c'est même plus important). Donc son beau-frère (Patrick Bruel) lui propose comme ça, entre la poire et le fromage, de faire des traductions pour son cabinet d'avocat. Car parler anglais et maîtriser les arcanes de la chevalerie périgourdine au haut-Moyen-âge c'est juste ce qu'il faut pour traduire un dossier juridique un peu pointu en 2014. Alors soit.
La cruche s'exécute et vient remettre sa traduction sous forme de FEUILLES DE PAPIER dans un gros dossier sur le bureau de Patrick Bruel.

Alors là deux solutions possibles: soit Julie Depardieu est comme moi, c'est-à-dire amoureuse de Patrick Bruel, et elle a par contrat exigé de tourner le plus de scènes possibles avec lui en se disant qu'à force il allait la remarquer (et je peux la comprendre), soit la réalisatrice habite en 1978 dans sa tête et ne connaît pas Internet.

Après ya aussi l'excuse que la Julie-médiéviste-cruche-traductrice n'a pas d'ordinateur, et que donc, elle a sûrement dû tout taper à la machine. (Attendez, je vais boire un grand verre de cigüe et je reviens).

Allez c'est pas grave. Ce qui était vraiment sympa c'est que du coup, la cruche elle se voit proposer la traduction d'un bouquin ("ça ne vous fait pas peur de traduire un livre?"), qu'elle expédie en deux coups de cuillère à pot et hop, à peine le chèque touché (évidemment elle touche le chèque en une fois genre le jour de remise du tapuscrit, qu'elle a sûrement écrit en hiéroglyphe à l'encre de Chine) elle court dévaliser Fauchon (vous reprendrez bien un petit verre de Destop?)
(À titre de comparaison, j'attends toujours le micro-chèque  d'une maison d'édition pour qui j'ai traduit un livre pour enfants en -- restez assis -- février, maison dont je ne divulguerai pas le nom mais ça commence par Galli et ça finit par mard, mais peut-être que j'aurais dû aller leur porter en main propre le livre relié à la main en peau de chèvre et enluminé par de chastes nonnes du XIIe siècle au lieu d'envoyer le boulot par mail?)

Mais je ne suis pas si rancunière puisque le simple fait que Patriiiiick dise en gros plan "Tiens elle est pas venue finalement Bérengère?" m'a réconciliée avec toutes les approximations du film. (Devinez comment je m'appelle). Je suis futile.

samedi 15 mars 2014

Non-pub et trad

Aujourd'hui j'ai voulu faire ma parisienne branchée de gauche et aller bosser au café. Pour écrire de vrais trucs qui font mal à la tête, des trucs sérieux qui demandent que je me plonge à l'intérieur de moi-même sans que le chat, le canapé, Breaking Bad ou autre inférence intempestive ne me donne un prétexte trop facile pour me livrer à la procrastination (le simple fait que je puisse utiliser ce mot me propulse automatiquement dans la catégorie bobo qui se la pète, je sais. J'assume).

Ca faisait un moment que j'avais envie d'aller dans un café qui était apparu dans une de mes traductions, et dont la description avait fait baver d'envie l'accro à la caféine qui vit ma vie à ma place.
J'ai donc traversé tout mon arrondissement (qui est vachement grand) à pied (qui sont vachement grands aussi mais ça fait pas avancer plus vite hélas), ordi sous le bras (c'est lourd) et vaguement inquiète à l'idée d'avoir laissé mon inspiration à la maison (où elle regarde peut-être le rugby avec mon fils) et je suis allée au café Lomi. Je m'attendais je ne sais pourquoi à une ambiance un peu intello, beaucoup bobo, tranquilou bilou, peut-être quelques familles à jeunes zenfants venues écluser leur samedi après-midi en buvant un moka cher avant d'aller voir un groupe indé au 104, le tout baignant dans de divins effluves de café.

En fait c'est pas du tout ça. C'est une espèce de cantine certes maxi-bobo avec quelques petites tables prises d'assaut et une grande où sont installés des accros à la tablette ou au mac, le moka est à 5 euros 50 (PUTAIN!) et la bande son est infâme. Ce qui ne serait pas si grave si elle n'était pas si forte. A fond en fait. C'est un genre de rap (je déteste le rap. Je trouve que c'est une mauvaise excuse utilisée par des non-chanteurs qui se roulent dans la joie enfantine de dire des gros mots que maman ne veut pas entendre à la maison) très TRÈS TRÈS FORT. Naturellement, on ne s'entend pas parler, du coup les clients sont obligés de crier. J'ai regretté tout de suite de m'être assise mais je n'ai aucun courage social et les serveurs sont hélas d'une grande rapidité. J'ai donc commandé un moka (qui est bof) et j'ai demandé au serveur prépubère venu me l'apporter si la bande son allait baisser un peu de volume à un moment?

Excuse me, do you speak English? Il m'a répondu. Demande plutôt cocasse entre Marcadet-Poissonnier et Marx Dormoy, vous en conviendrez. Il se trouve que yes I do, j'ai donc réitéré en anglais, et il m'a répondu que non non, on n'allait pas baisser le son pour un petit moment.

Je n'ai donc aucun espoir de travailler (là ya de la corne de brume dans la chanson, ok je le concède, les rappeurs ont de l'idée). Mon cerveau a commencé à saigner, mes oreilles pleurent des larmes de cire, mon estomac proteste contre le moka qu'il hésite à renvoyer en cuisine, bref j'étais en forme ya vingt minutes et là j'ai l'impression de sortir d'un concert de Sexion d'Assaut--ou plutôt de ne pas réussir à en sortir.

Sinon cette semaine je me suis renseignée sur les tarifs des agences de traduction. Ca fait déjà quelques années que j'ai compris que j'avais pas du tout pris la route du bonheur financier dans le choix de ma carrière, mais là je crois j'ai touché le fond de la fange du n'importe quoi esclavagiste. J'ai découvert des boîtes de trad qui proposent de payer rien moins que UN centime le mot (pour les non-initiés, en-deçà de 10 centimes le mot on peut commencer à parler de vol. Du traducteur, s'entend....). Sachant qu'un traducteur pro qui ne compte pas ses heures traduit en moyenne 2000 mots par jour, ça permet de gagner 20 euros la journée quand même. Soit 100 euros par semaine, ou 400 euros (et des brouettes!) par mois. Ma foi c'est bien honnête pour des journées de huit heures et des bac + 5....

(Ah, et c'est du brut, hein, évidemment. Hahaha. Achevez-moi).

J'imagine que ces boîtes proposent 1 centime le mot parce qu'elles ne peuvent pas payer moins? Un petit coup de main alors: pourquoi pas 1 centime les cinq mots? Pourquoi pas payer en cacahouètes directement?


© http://pinuptranslator.tumblr.com/




mercredi 26 février 2014

Une cuillerée pour Papa (II)



Le cercueil semblait tout petit—pourtant c’était pas un avorton. Je n’aurais pas vu mon père mort. Ma sœur l’avait demandé aux pompes funèbres, mais ils lui avaient déconseillé. Je l’ai su parce que c’est moi qui ai réglé les détails des funérailles, et que le croque-mort approximatif et provincial que j’avais eu au téléphone m’avait confié avec une touchante délicatesse « Vot’sœur elle a voulu voir le corps mais j’y ai dit non, il est pas beau, c’est qu’il est tout bleu là» juste avant de me dire «bon finalement pour le cercueil j’y ai mis la taille au-dessus, parce qu’il est costaud l’papa ! ».
Ya pas à dire, cet homme-là savait parler aux orphelines.

On a posé des fleurs et des photos sur le cercueil premier prix où reposait mon père bleu et on est sortis de la pièce. Et là, les portes du four vomissant les flammes de l’enfer se sont ouvertes et l’ont avalé, faisant éclater le bois et exploser le corps de mon père gorgé de whisky et de cachetons (non mais là j’invente, suivez un peu je viens de dire qu’on était sortis de la pièce).

Après la crémation, le croque-mort en chef et sa mine de circonstance se sont approchés de nous avec une boîte en carton. Là, il y a eu comme un mouvement de groupe mais psychologique, quand tout le monde fait un pas en arrière virtuel et qu’il n’en reste qu’un. Il s’est tourné vers moi et m’a mis le carton dans les bras. Je portais mon père, tiède foncé, dans mes bras, et il ne pesait rien.
Quelqu’un m’a dit il n’y a pas longtemps qu’on reconnaît l’adulte dans une famille : c’est celui à qui on donne les cendres.

Quand nous sommes allés à la rivière, mon frère a plongé les mains dans les cendres et jeté deux poignées à la flotte.

Chez lui, j'ai transvasé ce qu'il restait de mon père dans un pot à confiture parce que cette urne bordeaux (quelle couleur vous la voulez l'urne? Ah non rien à foutre on a pas comme couleur, bordeaux ça vous irait?) était vraiment trop moche. Et puis une urne sur la cheminée, c'est tellement convenu. 

Dix piges plus tard, Papa encombrait donc encore nos étagères mentales et surtout, de placard.

J’ai mis le pot de Nutella au fond de ma valise. Le flacon en plastique dans un gant de toilette. Si on me confisque le pot à l’aéroport, il me restera toujours ça. Et j’ai pris deux avions.

Une soirée dans un port italien. Balade seule sur les quais. Il fait chaud. Je mange des pâtes aux coquillages, seule au restaurant de l'hôtel. Ca sent la mer et les vacances. Mais j'ai un macchabée dans ma valise.
Une nuit d’hôtel.
Un bateau à l'aube.
Et j'ai débarqué sur une île qui n’est en réalité qu’un cratère en érection au milieu de la mer.

C’est là que j’ai commencé à être malade.
Il fait trente degrés, le soleil tape. J’ai des chaussures de marche toutes neuves, un sac à dos avec de l’eau, des biscuits, un gros pull et un k-way. Et Papa dans son pot de Nutella. J’ai mal au ventre. Je suis restée pliée en deux sur les chiottes pendant des plombes dans mon joli hôtel. Exactement comme quand, petite, on me prévenait que j’allais aller chez Papa pour le week-end. La peur. Qu’est-ce qu’il va encore se passer comme catastrophe. Et tes tripes qui se tordent pour que tu n’y ailles pas, mais petite c’est pas moi qui décidais. Fallait y aller.

J’ai 39 ans, et faut y aller. Le rendez-vous au pied du volcan, la marche qui commence, le guide est obligatoire. Un devant, un derrière, et un groupe hétéroclite au milieu. J’ai pas tellement envie de parler, j’ai un dialogue intérieur avec mon père (« ta gueule c’est moi qui décide maintenant ») et avec mes tripes (« vos gueules j’irai au bout même si je dois gerber dans le cratère »).

Au début, balade. Au bout d’un heure ça devient sportif. C’est marrant comme lever les genoux sur les cailloux ça peut être fatiguant. Mais pas insupportable. Je m’en fous je monte. J’ai mal au bide. Papa ricane dans mon dos. Ferme-la ou je te maudis jusqu’à la septième génération. Et merde....

Trois heures plus tard, on est en haut. Sur une crête. Le vent souffle comme si c’était l’hiver, le sol est en cendre, elle vole et cingle la peau, on devient tous un peu gris. Je me sépare du groupe et pars à l’abri d’une grosse pierre. Je sors mon pot de mon sac à dos. Je ne pleure pas, je ne tremble pas, je vide la poussière de mon père sur les cendres du volcan qu’il a follement aimé et gravi tant de fois. Les cendres claires se mélangent aux cendres gris foncé du Stromboli. Et là, comme mon frère, je les mélange avec les mains, je chuchote au revoir, Papa, je me redresse et je sors de derrière mon caillou sous les yeux ébahis de mon guide qui doit penser que je suis allée pisser en douce et ces Françaises n’ont pas de pudeur.

Je me suis assise à côté des autres devant les cratères bouillonnant et crachant, j'ai regardé ce spectacle fou et je me suis rendu compte que la nuit était tombée, et qu'il faisait très froid.

Le lendemain matin, avant de reprendre un bateau pour ma vie, je me suis baignée dans la Méditerranée. Je n’avais plus mal au ventre. J’avais laissé dix tonnes de casseroles, de souvenirs dégueulasses, de larmes, de cris et de terreurs d’enfants tout en haut du volcan. J’avais la sensation concrète d’avoir, seule, jeté à la fois dans les enfers de lave mon cauchemar paternel, et d’avoir fait la paix avec son souvenir en faisant un geste qu'il aurait aimé. Je nageais dans un liquide tiède et transparent, apaisée après tant d’années de déchirures mentales et affectives, heureuse et fière d’avoir gravi mon Everest personnel, et tout d’un coup une saloperie de poisson de merde m’a piquée et collé une décharge électrique sans prévenir.

Parce que bon, les sentiments ça va bien cinq minutes.




lundi 20 janvier 2014

Feuilleton(s)


Une cuillère pour papa (I)

Assise devant la table recouverte d’une toile cirée, je soulève le couvercle du pot de Nutella vide et le pose devant moi. Sur la nappe fleurie trône aussi un grand pot de confiture en terre cuite, blanc, avec des fleurs en relief, au joint en caoutchouc vieux et usé et à la charnière en métal un peu rouillée par endroit. Le papier journal étalé sur la table affiche une colère d’ostréiculteurs vieille de quatre ans.

Quand faut y aller faut y aller. Pour m’armer de courage, j’ai l’habitude de faire le vide total dans ma tête. Comme pour me jeter à l’eau à la piscine, me faire une piqûre toute seule, m’ouvrir le doigt avec une aiguille pour retirer une écharde ou me livrer à des cabrioles sexuelles quand le cœur n’y est pas. Ambiance ferme les yeux et pense à l’Angleterre. Sauf que dans ce cas de figure, il va falloir assumer un tantinet et regarder les choses bien en face.

Je plonge la cuillère à soupe dans le pot à confiture à moitié rempli d’une poudre grisâtre. La cuillère s’enfonce avec un crissement sourd. Je transvase la cuillère pleine à ras-bord de poudre dans le pot de Nutella. C’est le premier pas le plus dur. Le reste va tout seul. Une cuillérée pour papa. Une autre pour papa. Encore une autre. Une dernière.
Le pot de Nutella est plein à ras bord.  Je le referme, constate qu’il reste de la poudre un peu agglomérée au fond du pot de confiture. Je vais chercher un flacon en plastique vide dans la salle de bain, de ceux qui servent à verser du champoing ou du savon liquide à emporter à la piscine ou en voyage. Je racle le fond du pot, et verse la poudre qu’il restait dans le flacon avec un entonnoir.
C’est bon. C’est fait.

Ce pot à confiture blanc dormait depuis quatre ans dans mon placard. Il avait passé les cinq années précédentes sur une cheminée, entre une boîte en fer pleine de papier à rouler et de bouts de shit et un masque africain en ébène aux joues lisses et aux pommettes d’une hauteur improbable. Ma sœur l’avait gardé chez elle pendant ces cinq années, avant de décréter qu’il dégageait de mauvaises ondes et qu’elle n’en voulait plus. C’était sûrement lui qui l’empêchait d’avoir une relation durable. Ou une relation tout court à mon avis, mais on ne me le demande pas souvent. Je m’étais donc dévouée pour prendre mon tour de garde du pot. Il avait atterri derrière la pile des draps au fond d’un placard, où il dormait gentiment depuis plus de quatre ans. J’aurais bien aimé lui coller sur le dos toutes les mauvaises décisions que j’avais prises depuis qu’il était arrivé, mais dans ce cas j’aurais eu du mal à justifier celles des 38 années précédentes sans être obligée de m’avouer que j’étais tout simplement la dernière des crétines.

Au cours de ces quatre années, il était sorti une fois du placard, au cours d’une conversation avec mon fils de cinq ans qui avait voulu savoir où était enterré mon père.
- Il n’est pas enterré.
- Ben il est où ?
- Dans le placard de ma chambre. Tu veux le voir ?
J’avais alors descendu le pot à confiture et je l’avais ouvert sous les yeux dégoûtés de ma fille de huit ans et curieux de son frère encore intouchés par nos tabous.
- Beurk fit–elle.
Lui suivit son instinct de petit animal pas tout à fait civilisé, plongea le doigt dans la poudre et commença à remuer.
- Bon chéri t’arrêtes de touiller papy. Ca va bien comme ça.
Et il avait réintégré le fond de l’armoire, pot à confiture et papier journal et tout.


Pour le dixième anniversaire de sa crémation (où nous étions neuf, sans compter le croque-mort), j’avais réalisé que j’allais me retrouver toute ma vie avec mon père sur les bras si je ne m’en débarrassais pas une bonne fois pour toutes. La moitié de ses cendres avaient déjà été déversées dans la rivière qui coulait au fond de son jardin, juste retour des choses vu le nombre de poissons qu’il y avait pêchés et bouffés. Nous y avions apporté l’urne juste après la crémation. On peut apporter sa musique pour une crémation. Pour les très prévoyants, je suggère de faire une petite compile pré-mortem. Ca met de l’ambiance et c’est plus sympa pour les pauvres proches qui vous survivent et qui doivent choisir vite fait un disque ou deux au hasard dans votre discothèque. Remarquez c’est aussi l’occasion de leur pourrir la vie une dernière fois en insistant pour qu’on écoute du Francis Lalanne ou du Céline Dion pendant toute la cérémonie. Papa n’avait pas laissé d’instruction, il était mort par surprise. La plus sordide ayant été pour son pote venu le réveiller à l’aube pour partir à la pêche, et qui l’avait retrouvé raide comme un piquet, à poil au fond de son lit. Nous avions donc pris deux disques en vitesse, un Brassens et un Gainsbourg, ce qui nous avait permis, en attendant qu’ils finissent de le cuire, d’écouter entre autres une chanson intégralement interprété avec des bruits de pets. Connaissant l’esprit provocateur de mon père, personne n’avait été ni choqué, ni surpris. Pas de quoi fouetter un croque-mort.


(La suite un autre jour).