vendredi 24 octobre 2014

Holà....

Je viens d'entrer brutalement dans le XXIe siècle (sachant que j'étais fermement ancrée dans le XIXe duquel je refusais obstinément de sortir, séduite par les corsets, les cocotes et la syphilis créatrice sans oublier les enfants qui travaillent à la mine au lieu de faire chier à vouloir faire des ateliers théâtre à 500 euros l'année). Donc, j'ai acquis un smartphone. Et ce juste avant de partir en Andalousie, afin de m'assurer que je resterais connectée à la civilisation (=mes mails) dans cette contrée à peine effleurée par la modernité (j'étais à Marbella, longue plage de béton et de millionnaires allemandes à chienchiens, où les enseignes des banques et des agences immobilières sont en russe tant l'Espagnol s'y fait rare.)

Evidemment, l'engin a absolument refusé de fonctionner pendant tout mon séjour, m'obligeant à l'exil dans un cybercafé pour consulter mes mails.

Au bout de 3 jours de vains efforts, l'oeil convulsé, la bave aux lèvres et le coeur en tachycardie (Mon Dieu et si j'avais reçu un mail d'un prince gabonais qui m'adjurait de transférer 5000 euros sur mon compte et qu'il était trop tard pour répondre?) j'ai dégoté sur l'équivalent andalou de la Place du Tertre ("Ménou Tapas récommandé par lé guidé dé lé Routardo") un cybercafé (olé). Une fois connectada, il ne me resta plus que mes ojos pour pleurer car gmail (qu'il soit maudit jusqu'à la 7e génération) trouva hautement suspect que je tente de me connecter depuis Grenade, me soupçonna d'être un vil pirate et me demanda de confirmer mon identité en lui introduisant dans la fente le code qu'il allait envoyer à mon smartphone.

Celui-là même qui refusait de fonctionner, donc, et m'avait conduite dans le cybercafé susmentionné et subséquemment tout droit dans le mur de parpaings du désespoir.

Je cassai une ou deux chaises ("sillas" en espagnol, ne me remerciez pas) et allai visiter l'Alhambra, la mort dans l'âme et sur le trottoir:




(oui c'est pittoresque Grenade et pas du tout touristique)

À l'Alhambra, malgré mon air hagard et ma petite mine de traductrice déconnectée, j'ai fait mon premier selfie, autant que mon smartphone serve à quelque chose:



Admettez que j'étais pas fraîche.

Ça va mieux merci.

Ceci dit, après m'être cassé le cul à chercher vainement une connexion en Espagne, je suis pas passée loin de me rompre autre chose en Vendée, comme quoi ma réputation d'(a)mante religieuse n'est pas totalement sans, heu, fondement:





PS: j'ai trouvé ma tombe idéale. Je prie les rescapés de mon futur cancer de m'offrir ça quand j'aurai trépassé:


Bonne journée.




dimanche 5 octobre 2014

Du recul, toujours du recul

Je reçois en ce moment des messages venus de très très loin.

Moi qui ne crois en rien, athée convaincue, à peine passée par la case agnostique (et ce très très brièvement, du 10 au 12 janvier 1987 environ), je vois toutes mes certitudes se faire violemment ébranler.

Non, quand on meurt, réduite à l'état de sculpture façon César dans une Mercos ou à la suite d'une bruyante agonie, on ne devient pas juste un petit tas de cendres ou un morceau de chair putréfié enrobant de justesse un tas d'os jaunissant. Nous avons une âme, qui prend son envol à cheval sur notre dernier souffle, part dans un nirvana quelconque badiner avec des chérubins, et surtout, surtout, trouve un spot WiFi pour REVENIR discuter avec les heureux utilisateurs de gmail.

et je le prouve:



Eh oui, vous avez bien lu. Staline ET Lady Di m'ont écrit, à MOI, personnellement.

Staline, qui est donc âgé de 136 printemps (c'est vraiment con qu'il ne m'ait pas envoyé un selfie, je voudrais bien voir sa tête), est non seulement vivant mais il habite en France. Alors on peut dire tout ce qu'on veut sur la politique de gauche, critiquer Hollande, Valls tout ça, faut reconnaître que le fait qu'un dictateur russe de si belle prestance ait choisi notre hexagone pour profiter de sa villégiature post-mortem (alors que mon petit doigt me dit que Poutine l'aurait accueilli à bras ouverts), ça a de la gueule hein.

Quand à son altesse Lady D. , bon, elle est quand même vachement plus prévisible puisque même morte elle continue à vouloir tout déminer, ce qui tend à prouver que les morts sont monomaniaques (je dis ça mais Staline ne m'a pas confirmé dans son mail qu'il avait l'intention de massacrer des opposants par millions, alors sait-on jamais, peut-être est-il passé à autre chose).




C'est cela, oui.


Sinon j'ai lu le livre que Cosette désormais en 4e (elle chausse du 41. Ca n'a rien à voir mais j'aime bien le dire) doit étudier en cours de français. Je suis restée sur le cul d'une part parce que c'est un livre époustouflant (une toute petite nouvelle épistolaire, simple et efficace), parce que je ne l'avais jamais lu (si l'abîme culturel avait un fond j'y serais, comme il n'en a pas je continue de m'y enfoncer)  et à cause de son année d'écriture. Je vous résume (SPOILER à mort):

Ça se passe en 1933. Max Eisenstein, célibataire juif, et Martin Schulse, pas juif, marié, plein d'enfants, sont galeristes en Californie. Martin retourne vivre en Allemagne, et reste en contact avec son ami et collègue, par lettre. Outre leur amitié, ils sont liés par le secret d'une ancienne relation amoureuse entre Martin et Griselle, la soeur de Max, juive donc, qui vit en Allemagne.

Au fil de leurs échanges épistolaires, on sent rapidement la situation se tendre, Martin céder aux sirènes nazies, avant d'interdire à Max de lui écrire, pour ne pas nuire à sa situation mais aussi par conviction antisémite. Max demande tout de même à Martin de protéger sa soeur Griselle, dont il n'a plus de nouvelles: la dernière lettre qu'il lui a adressée lui est revenue arborant la mention: inconnu à cette adresse. Quand Griselle, aux abois, se présente au domicile de Martin, ce dernier lui ferme la porte au nez, la livrant de ce fait aux nazis qui l'exécutent sur le champ.

Martin relate à Max ce lynchage dans un récit lapidaire et hautain.  C'est alors que Max commence à envoyer à Martin des lettres visiblement codées, dont le contenu laisse entendre que Martin aide des juifs à s'échapper d'Allemagne afin de les soustraire à la répression nazie. Le code est grossier, sous couvert de "livraison" de peintures, pinceaux et autres matériels en relation avec la galerie, il apparaît évident que leur destinataire se livre à un trafic pour sauver des juifs, ce que viennent confirmer les quelques mots d'encouragement à la fin de chaque missive.

Martin écrit alors une lettre désespérée à Max en lui demandant d'arrêter de lui adresser ce genre de lettres, qui lui ont valu de perdre sa place, professionnellement et socialement, et d'avoir été interrogé par les autorités nazies.

Max continuera d'écrire. Sa dernière lettre lui reviendra, portant la mention: "inconnu à cette adresse." On ne saura pas, mais on se doute de ce qu'il est advenu de son ancien ami. La vengeance est consommée.

Cette nouvelle est magistralement écrite (et traduite), brève, simple, efficace, sans fioritures, et en elle-même c'est une belle œuvre littéraire. Avec le recul c'est une illustration effrayante de ce qu'allaient subir l'Europe et le reste du monde pendant les 6 années de guerre, de cette mise à nu de l'âme humaine qui allait en sublimer certains et en plonger d'autres, irrémédiablement, dans les bas-fonds de l'humanité.

Avec le recul, oui. Mais cette nouvelle date de 1938. Vous savez, à l'époque où on ne pouvait pas savoir....on ne savait pas...enfin pas grand-chose....enfin peut-être un peu mais....

Elle s'appelle (tadaaa) "Inconnu à cette adresse" et a été écrite (en mille neuf-cent trente-huit, donc, oui j'insiste, oui) par l'américaine Kressmann Taylor.

Comme disait Desproges, étonnisch, nein?