mardi 23 septembre 2014

Lila

Il m'arrive tout le temps tout un tas de trucs que je ne peux pas raconter ici, c'est agaçant.


A la limite je peux raconter des trucs qui arrivent aux autres?

Oui?
Oui.

(De l'intérêt du monologue quand même. Je ne me contredis pas souvent. En revanche je m'invective assez régulièrement).

Appelons-la Lila, puisqu'elle sentait bon.

Lila avait décidé de ne rien faire de sa vie car c'était le meilleur moyen de ne pas se planter.
Convaincue qu'elle n'était de toute façon bonne à rien, elle laissa les événements s'emparer d'elle et se laissa porter par les vagues des circonstances, sans jamais chercher à changer le cours du destin.

Cette stratégie de l'autruche passive lui rapporta un gentil mari qui n'insistait pas trop souvent sur la sodomie et deux non moins gentils enfants d'une transparence à pleurer. Un métier rasoir et des amis insipides. Tout allait bien.

Un seul hoquet dans cette vie bien rangée: un prénom peut-être un tantinet trop original.

Le gentil mari de Lila était un expert-courtier en banque de consulting. (Si ça existe. Dans ma tête ça existe). Il rapportait tous les sous nécessaires pour payer les traites de la maison, les cartables des petits et les vacances d'été.

Lila, son gentil mari et ses enfants transparents vivotaient tranquillement en attendant de devenir vieux, ridés et moches. Le travail, la famille, les vacances et la télé leur assuraient une occupation permanente et donc, le bonheur.


Un soir en rentrant du travail, Lila dans la rue fut abordée par un jeune homme très beau et très brun, aux yeux luisants. Vous êtes vraiment très belle madame, lui asséna-t-il en plongeant ses yeux de braises dans la lavasse de ses yeux à elle, avant de continuer son chemin comme si de rien n'était.

Lila qui n'avait jamais connu le moindre trouble (sauf peut-être un jour de soldes en 2003, lorsqu'elle s'était rendu compte que le manteau qu'elle avait acheté 250 euros--une folie--était désormais en vente à 95 euros), sentit sa gorge se serrer, sa poitrine s'opprimer, sa culotte s'humidifier.

Lila arrêta de manger, Lila se mit à fumer. Lila tourna le dos à son mari la nuit, et se cacha dans les toilettes pour ne pas que ses enfants la voient pleurer. Lila dépérit.

Et Lila mourut.

Et comme Lila n'était pas la Dame aux camélias, elle ne fut pas exhumée par un amoureux transi prêt à revoir son corps en décomposition, pourvu qu'il puisse la contempler encore. Elle fut incinérée et ses cendres remises par erreur à une famille ravie qui venait de perdre enfin une ancêtre à héritage, et qui la disposa sur une cheminée de marbre dans une résidence secondaire avec piscine, entre deux bougies et une photo de l'odieuse ancêtre décrépite.

Et le bel inconnu me demanderez-vous?

Il se fit payer une bière par ses potes qui l'avaient mis au défi d'aborder une inconnue fadasse et de la faire rougir.




Cette micro-nouvelle sans queue ni tête ni intérêt aucun ne vous est certainement pas offerte par Alexandre Dumas fils.






NdE: attention, trop de premier degré nuit à la santé intellectuelle. Je ne suis pas Lila. La preuve: j'ai pas la télé.

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