jeudi 12 septembre 2013

Si, moi.

Depuis six mois, tous les jours je me dis que je vais fermer ce blog. Et je retourne dans ma tête toutes les possibilités de post d'adieu.

Car un beau matin j'ai enfin reçu la lettre qui allait mettre fin à mon stage chez les fous. En gros elle disait: chère madame, voulez-vous retourner habiter dans un joli appartement à côté des écoles des mômes, dans un immeuble tout propre et sans cafard, plein de bourges dedans et encore plus de bourges autour? Ca ne vous coûtera que la modique somme de deux fois votre loyer actuel, mais un peu de prostitution occasionnelle n'a jamais tué personne, et puis votre fille a douze ans, que le temps passe vite, madame hier encore elle était si petite.

Bref s'est très rapidement imposé à moi ce non-choix: crever  vieille et seule, chauve et égrotante (mais avec du vocabulaire) dans un appartement glauque dont les murs me jetaient à chaque instant leur haine et leur mépris moisi et bétonné à la gueule, en regardant des files de cafards hilares sortir des aérations au son des voisins assommant leurs enfants et en attendant une improbable aide-soignante morte de faim et de soif dans l'ascenseur en panne, la langue collée à l'écran de l'iPhone, après une vaine tentative de manger les bonbons de candycrush pour ne pas succomber

OU

vivre.


Donc je suis partie. En regrettant simplement que les quelques bons souvenirs que j'avais pu y fabriquer aient été gâchés par le cadre, et en priant pour ne pas emporter de sale bête dans les cartons.
(J'ai tellement vaporisé de produits chimiques dégueulasses que j'y ai perdu au moins six mois d'espérance de vie et que les cafards me surnommaient Bachar.)
J'en ai emporté deux.

La première nuit dans ma nouvelles maison, j'ai pas dormi. Comme la veille non plus (ce serait dommage de se fader un déménagement toute seule en forme faut dire, et puis mon ange gardien visiblement il est bourré du soir au matin), j'étais passablement hallucinée. Sur le coup de trois heures j'ai enjambé les cartons pour boire un verre d'eau dans la cuisine et Paf, la bestiole, par terre, sur le lino.

Comme j'étais très très fatiguée, qu'elle n'a pas crié tout de suite et qu'elle m'a semblé avoir une drôle de couleur, j'ai décrété que ce n'était pas un cafard mais un produit de mon imagination névrosée et proche du burnout et je l'ai tuée et chiottisée et je suis retournée au lit pas dormir.

Du coup la troisième nuit, j'ai pas dormi non plus (un jour j'ai traduit les mémoires d'un type qui avait été torturé à Guantanamo. Mon gars, je compatis.)

Du coup, le troisième jour, j'ai accroché ma clé au clou (c'est la première chose que je fais quand j'emménage: je fixe les crochets pour mettre les clés. Faut jamais jamais jamais perdre ses clés. Sinon on redevient petite fille avec un papa qui hurle QUI A TOUCHÉ MES CLÉS NOM DE DIEU DE PUTAIN DE BORDEL DE MERDE et qui balance des torgnoles verbales combien je vous dois docteur?) donc j'ai accroché ma putain de clé au clou disais-je, et je suis sortie de chez moi.

Et j'ai regardé mes mains. Vides. Ma porte. Fermée. Mon absence de clé. Mes yeux ont regardé l'intérieur de ma tête: tout le malheur des quatre dernières années était en train de remonter à la surface comme du vomi de vieux poivrot cirrhosé, en direct tout droit du coeur. J'ai entendu mon père mort ricaner. J'ai entendu tous les cafards morts par ma faute ricaner. Je suis allée au troquet d'en bas, je me suis enfermée dans les chiottes et j'ai pleuré.

Le lendemain, comme grâce à mon pote cambrioleur j'avais quand même pu sortir des chiottes et rentrer chez moi, j'ai défait des cartons, et là pouf, sortant d'un pouf justement, un cafard. Un vrai, nickel, pleine bourre, super content de lui, hé les gars zavez vu ma nouvelle maison??????

Il a pas couru longtemps car malgré l'épuisement j'avais encore du réflexe et pouf le cafard du pouf.

Du coup, j'avais déjà jeté mon lave-vaisselle et mon frigo pour cause de colonisation intense, j'ai bazardé tous mes poufs.

J'ai acheté des pièges à cafards qui collent, des qui empoisonnent, j'ai vaporisé partout, j'ai attendu.

Six mois.

Yen a PLUS.

Je viens de jeter les pièges. La Poste ne fait plus suivre mon courrier. Le Fisc m'écrit à ma nouvelle adresse. Moi je ne suis pas encore tout à fait arrivée, mais ce qui est certain c'est que je suis totalement partie.


Alors le blog? Il n'a plus de raison d'être.
Plus d'iguane, plus de cafard, plus de voisins atroces, plus de Ginette, plus de gérant débile, plus de rats.

Et puis une nuit j'ai pu constater que l'insonorisation de mon nouveau logement avait été assurée par un sourd manchot et cocaïnomane. Que j'avais un voisin somnambule qui jouait des claquettes en duo avec une chaise à 1h28 tous les MATINS. Que finalement le loyer, c'était trop cher. Que c'est pas possible d'avoir une vie d'agent secret (je suis agent secret) quand tout le quartier voit dans ton salon en emmenant les enfants à l'école (je suis au premier étage) que tu es en train de faire une chorégraphie des demoiselles de Rochefort d'écrire à Poutine (agent secret je vous dis).

Bref, j'ai trouvé D'AUTRES raisons de me plaindre.

Et j'aime bien mon titre de blog.

Alors je ferme pas. Je continue. Je diversifie. Je reviens.

Bisous.






4 commentaires:

  1. Youpi! youpo! Moi je l'aime bien ton blog. Alors oui! continue. les exploits de gavroche et ma causette qui rentre dans l'adolescence, va y avoir de quoi se marrer dans les années à venir...
    Pour ce qui est de ton problème d'agent secret.... pour ma part, je cherche la solution depuis que l'immeuble a poussé devant mes fenêtres et que je ne peux plus jouir d'une totale liberté de naturiste... je suis pas loin de trouver l'alternative aux voilages (sus aux voilages, je les desteste)... dès que j'ai testé je te fais signe.
    bises ma caille.

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  2. C'est très gentil. Mais je crains bien que ce ne soit qu'un pur hasard.

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