mercredi 3 mars 2010

Chantier

Jour numéro un.
Je me réveille à l'aube, les peintres doivent arriver à huit heures. Technique du matin: d'abord allumer dans la cuisine, repartir en courant, faire un ptit pipi et revenir dans la cuisine faire le petit déj. C'est la ruse qui permet aux cafards matinaux de repartir vite fait dans leurs pénates pour la journée, et de pas me retrouver nez-à-nez devant Nicolas le cancrelat AVANT ma ricoré.
Sauf que là, j'allume, et paf-cling. L'ampoule explose (ici c'est une fois tous les quinze jours), les plombs sautent, l'ampoule éclate et vient se briser par terre, fichant une trouille monstre au chat et provoquant à coup sûr une sévère augmentation des infarctus du myocarde chez la population de cafards de ma cuisine.

De bon augure. Je pratique donc un sacrifice propitiatoire en immolant une blatte pour amadouer les dieux du bricolage visiblement pas bien réveillés et de la sainte trinité enduit-ponçage-peinture.

Les peintres ont commencé à bosser à 8heures (+les trois heures de décalage-horaire du Leroy-Merlinistan, bref la matinée a été courte), et moi j'ai travaillé dans le 0,47m2 qui me reste devant mon bureau puisque les deux chambres et la salle de bain ont été déversées dans le salon par mes gros bras musclés pendant le ouikende. Ca tient. Juste.

J'ai réussi à les convaincre d'utiliser MA peinture verte pour la chambre des enfants (le Boss, ou "Monsieur Ben Oui", m'a fait courir tout le quartier pour trouver des rouleaux et des pinceaux, pour finalement y aller lui-même vu que ce que je ramenais, c'était jamais les bons poils ou la bonne forme- j'ai un budget pinceau qui inspirerait le respect au responsable du budget Rolex de l'Élysée.)

L'ambiance jusqu'à présent c'est donc un doux mélange d'odeurs d'enduit, de peinture acrylique (très efficace pour mettre de l'animation dans un salon un peu morne, au bout d'une couche dans la chambre les vapeurs sont venues voir si je travaillais bien et mon ordi s'est mis à tanguer, et les ptites étoiles à danser, c'est mes clients qui vont être contents, un peu de psychédélisme dans les traductions c'est sooooo 70's), d'odeur franche et virile des ouvriers (je vous fais un dessin?), la poussière du ponçage (non monsieur l'agent, je sais j'ai les narines blanches mais c'est pas ce que vous croyez), la découverte d'une langue étrangère (je crois qu'ils parlent tous pakistanais, même le monsieur chinois), des martèlements des ouvriers dans le hall, en bas, qui cassent tous les carrelages blancs et verts pour les remplacer par des marron et beige (le carrelage du rez-de-chaussée, c'est la seule chose qui n'avait pas besoin d'être restaurée dans l'immeuble. Et c'est la seule chose qui le sera, visiblement. Il semblerait que la perspective de faire mousser les initiatives sociales de Paris Habitat - c'est un chantier d'insertion, comprendre des ptits jeunes qui travaillent sans protection sur les oreilles, le nez dans l'amiante - prime les considérations pratiques telles que "et si on remplaçait les colonnes d'eau qui fuient ou les ascenseurs qui tressautent", et, à intervalles réguliers, le chat qui vient s'asseoir devant moi pour se mettre à pleurer sur le ton "qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça". Il est au bord de commettre l'irréparable, mon chat. Je crois qu'il est en train de tenter un suicide par absorption de croquettes. Ou alors il essaie de traiter son trouble émotionnel par la nourriture.

Bref.

Aujourd'hui, c'est plus calme: à huit heures un ouvrier est venu me dire qu'il repartait, appelé ailleurs par son patron (t'as raison, et mon chantier à moi, il te plaît pas, mon chantier?) Monsieur Ben Oui n'a pas encore pointé le bout de son nez à plus de onze heures, et le Monsieur chinois qui parle pakistanais enduit tout seul et rebouche méticuleusement tous les trous des chevilles laissés par les étagères, ce qui me permettra de passer mon temps libre à RETROUER les murs quand je voudrai remettre les étagères en question. Toutes les fenêtres sont ouvertes, je bosse en doudoune, j'ai des stalactites qui commencent à se former au bout des cils et les nerfs bien tendus.




Et pour l'anecdote, ya plus de lumière dans les parties communes. Conséquence, dans le couloir de mon palier (et tous les autre d'ailleurs, ya pas de raison, tous égaux dans mon HLM!) il fait noir comme dans le cul d'un ours, et il faut chercher sa porte au briquet.

Et quand on se réfugie dans l'ascenseur, seul endroit éclairé de l'immeuble, soulagé par la fin de cette oppressante obscurité épaisse comme du nutella réfrigéré, on se retrouve devant le miroir sur lequel un amateur d'humour paramilitaire a dessiné la cible d'un viseur de fusil à lunette. Et Ya quoi au milieu? Ben ya moi.

Et une bonne journée à vous!



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