lundi 8 février 2016

Bloody childhood

Mon fils, à chaque prise de sang, il fait un malaise.

Mais pas juste un malaise vagal, non, ce serait presque simple. Une attaque de panique aussi. Et un genre de crise de tétanie: il devient tout raide.

Il faut lui faire une prise de sang par an, c'est obligé, c'est à cause de ce qu'il a dans lui qui fonctionne pas bien, on vérifie que ce qu'on lui injecte tous les jours ça le dérègle pas, et qu'on met la bonne dose. Bref, ya pas moyen de passer à côté, faut la faire.
Le malaise de mon fils, ça commence pas quand apparaît l'aiguille. Ca commence quand on lui dit que "demain, ya prise de sang". (Note pour plus tard: peut-être ne pas lui dire avant que ce soit inévitable...)

Il commence à pouffer nerveusement. Il tombe par terre dans la cuisine, en gloussant. Il rigole, mais déjà il a pâli. Pris de faiblesse, comme quand on est en hypoglycémie ou qu'on a donné son sang. Et il glousse, bêtement, sans pouvoir s'arrêter. Blanc clair.

Le jour J il ne glousse plus. Il a l'air de penser à autre chose et puis d'un seul coup, il en parle. "C'est obligé?" "Et si on la faisait la prochaine fois plutôt?" Et il marche silencieusement vers le métro, et parfois ça sort "J'ai vraiment pas envie".

Dans le métro, on met les patchs, un à chaque bras, au cas où. Je sens bien que s'il pouvait, il en avalerait, de la crème anesthésiante, pour arrêter d'avoir peur, il s'en tapisserait bien l'intérieur de la tête. Quand je pose le patch, déjà, il tremble.

Ensuite c'est le trajet jusqu'à l'hôpital pour la consultation biannuelle, et la légèreté superficielle qui cache les vrais drames de la vie. Oui, pour moi, une prise de sang c'est rien, mais pour lui c'est un drame. C'est réel, c'est douloureux, c'est un arrachement, un vrai trou creusé dans son être, peut-être un bout de lui qu'on enlève, je sais pas. Et surtout le rappel de cette nuit d'horreur où une infirmière folle et incompétente lui avait mis un cathéter de travers et l'avait laissé pleurer de douleur une nuit entière, avec prise de sang toutes les trente minutes (salope).

La prise de sang c'est un des drames de sa vie. La consultation à l'hôpital, c'est toujours banal. Ya les dames en rose qui essaient de le prendre pour ce qu'il est (en endocrino à Necker, ya des gamins nains qui ont 14 ans et des géants qui en ont 5. Bonne chance pour s'adapter en dix minutes, et pas proposer un coloriage Hello Kitty à une bécasse de 15 piges qui mesure 1m10), et la médecin expédie avec douceur et efficacité la consulte de contrôle. Là, il essaie de négocier, toujours. C'est obligé la prise de sang?
Oui, c'est obligé, mais tu verras ça va aller vite.

A ce moment-là je vois qu'il tente de ne pas me décevoir, et qu'il fait le fier qui pense à autre chose. Peut-être même qu'il pense à autre chose, tellement il voudrait être ailleurs. On prend nos ptites étiquettes de l'APHP et on attend. Parfois, on attend plus d'une heure, parce que c'est l'hôpital et qu'il n'y a pas assez de sous pour qu'il y ait assez de personnel.

Et c'est son tour. Et il se raidit. Et on est pas arrivé au fauteuil, que déjà il tremble. Et il perd le contrôle. Il se débat, il tremble, il pâlit, il fait un malaise vagal tout en criant non non non, il est tout raide et il tremble par secousses. Et moi je dois le tenir, et l'infirmière doit le piquer. Et pendant les spasmes, pendant que ses yeux deviennent blanc de malaise, il pleure.

Moi, à chaque prise de sang de mon fils, je fais un malaise à l'intérieur.

2 commentaires:

  1. J'ai connu ça... enfin pas exactement, mes prises de sang (et piqures c’était dans le même panier) étaient limitée à celles que l'on fait à une enfant en bonne santé. J'en ai souffert quand même... de l’incompréhension des gens aussi, des infirmières peu coopératives... La veille des jours j, je ne dormais jamais et je pleurais dans mon lit. Le matin j’étais blanche, mêmes tremblement, mêmes pleurs mais avec l'age un peu plus de raison...et puis souvent l’évanouissement après...quand j'ai eu l'age de conduire, c'est devenu très dangereux... Et puis, un jour, j'ai voulu un enfant. Et j'ai voulu changer ça. Je me suis renseignée. On m'a conseillé hypnothérapie. Ça a pas été miraculeux, car le changement doit venir de soit. De l'acceptation des choses telles qu'elles sont... Aujourd'hui, j'ai eu mon enfant, après des FIV. Après sans doute une cinquantaine de prises de sangs, 4 perfusions, ça va mieux, mais je ne suis pas guérie. A chaque nouvelle, je dois me souvenir, refaire le travail...Bon courage votre fils. C'est son drame, et il a la chance que vous le compreniez.

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  2. Saisissant ton récit Bérengère. Pauvre lui, pauvre toi. Une prise de sang faite en labo et sur RDV, ça n'est pas jouable ? Il y aurait moins d'attente, un peu de stress en moins quoi.... Courage petite cousine

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