mardi 4 mai 2010

Cancrelat las

Il existe plusieurs sortes de cafards. Des plus ou moins noirs, des plus ou moins gros. J'ai la chance d'en posséder un échantillon assez représentatif (oui j'estime après quasiment deux ans de cohabitation hostile que je les possède, car sinon il me faudrait admettre que je suis possédée (certains soirs, quand j'ai l'impression qu'il me courent dans la façade interne de la boîte crânienne, je ne suis pas loin de le penser).

Ya les marronasses aussi, comme celui qui a fini sa vie devant l'entrée de la cuisine ce soir. Énorme, mais marron assez clair. Je le soupçonne d'être celui que Gavroche avait pourchassé un matin où je refusais de sortir de mon lit sous le prétexte un peu facile que c'était dimanche, que j'avais la flemme de bouger de mon lit, et que si c'est pour commencer la chasse aux bestioles avant le petit-déj je préférais encore lire tout le Vidal en VO sans dictionnaire ou chanter la bible par coeur sur l'air de Tata Yoyo. Bref, Gavroche avait pourchassé la bête à mains nues (il est courageux, mon fils), mais "j'ai essayé de l'attraper et elle est partie sous la bibliothèque".

D'où je la soupçonne de ne pas être sortie (découragée par la bouffée d'insecticide que je lui ai pulvérisé sur le coin des antennes?) pendant les 15 jours qui ont suivi.

Sauf que là, ce soir, elle s'est dit, la bête, qu'il ne lui restait plus trop de temps si elle voulait avoir le temps de fignoler son testament, elle a pris son courage à deux antennes, et elle a entrepris de traverser le couloir. Et pouf, dead.

Et comme je ne respecte rien, et surtout pas la camarde, je lui ai filé un grand coup de tapette sur le coin de la carapace, au cas où elle n'aurait fait que semblant d'être canée (on me l'a déjà fait, hein, sont futés et perfides ces insectes).
Elle faisait pas semblant. C'était bien un cancrelat décédé.

Mais alors gros, gros, je dirais catégorie 4.

Le cafard de type 1, c'est le bébé, quand même pas mignon mais que je peux regarder courir comme un con sans hurler, et écraser sans nausée. Le niveau 2, il commence à prendre de l'assurance, mais comme il est crétin - c'est le cafard ado, période rebelle, du gel plein les antennes et la mandibule boutonneuse, il veut épater sa bande de potes planqués sous l'évier et il leur dit "Hé les gars, chiche je traverse la cuisine en courant en plein jour!" et vlan, mort subite si je passe par là.
Le cafard de type 3, c'est du sérieux, il est adulte, il est chargé de famille, il est pas là pour rigoler, et il est GROS. Il aime bien bouffer les croquettes du chat au petit matin, se planquer sous la gamelle et surgir au moment où je débarque ensommeillée préparer le ptit déj des enfants: il crie "BOUH!" et moi j'ai le palpitant qui se prend pour DJ techno.

Le 4, c'est le cafard énorme, un peu comme Voldemort, vaut mieux pas le nommer, on sait jamais, ça pourrait le faire venir. Et lui c'est celui qui m'assure de douces nuits au pays des cauchemars et, en général, il sort au moment où le plafond de la cuisine se met à gouter et où les voisins rejouent massacre à la tronçonneuse en bengladais. Me propulsant dans les ténèbres gluantes du désespoir locatif le plus total.

Aujourd'hui j'ai reçu une énième lettre type de la mairie en réponse à mes courriers, pour m'expliquer que seul Paris Habitat pouvait me faire changer de logement, et que j'avais intérêt à avoir une bonne raison pour demander autre chose. Genre agrandissement de la famille. Ben si mes calculs sont exacts (et ils ne le sont pas mais je suis sûrement dans la cote basse), ils sont plusieurs centaines rien que sous mon évier. C'est pas de la surpopulation, ça? J'ai une nouvelle solution: on me laisse là, et on les change d'appart, eux.

Gavroche m'a finalement confié: "Maman tu sais, les gens qui étaient là avant nous, je crois qu'ils ont déménagé parce qu'il y avait trop de cafards ici."

Bon, en vrai, ils ont été expulsés. C'est vachement plus poétique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire